Les Droits de l’homme seraient devenus aujourd’hui, selon Jean-Louis Harouel, une religion séculière. Ils ne seraient pas tant, comme le disait Chesterton, des idées chrétiennes devenues folles que la perpétuation d’idées gnostiques et millénaristes telle que la croyance en la nature divine de l’homme « en s’inscrivant dans la continuité de la promesse messianique terrestre des prophètes ». Héritière lointaine de Marcion ou de Joachim de Flore, notre société a fini, sous une forme laïcisée, par préférer les préceptes évangéliques au Décalogue, entretenant une confusion constante entre morale individuelle et justice publique et prônant un amour unilatéral de l’autre, au risque de son propre anéantissement. « Le millénarisme de l’amour de l’autre poussé jusqu’au mépris de soi est mortifère pour les sociétés qui s’y abandonnent, écrit l’auteur, et on ne peut fonder une société sur les droits de l’homme dès lors qu’ils sont un dissolvant social. »
Depuis la seconde moitié du XXème siècle, alors que le droit des pays d’Europe occidentale commence à s’imprégner d’esprit chrétien, les libertés publiques tendent à être remplacées par ce qu’on appelle les droits fondamentaux, tandis que dans la Convention européenne des Droits de l’homme de 1950, le principe de non-discrimination s’impose aux dépens des anciens droits-libertés. « C’est en étant transformée en droit que la morale “renouvelée” des droits de l’homme est devenue une religion d’Etat. » Cette dérive du droit est d’autant plus aiguë en période d’explosion des flux migratoires et elle constitue un handicap mortel dans notre cohabitation avec l’islam. « C’est ici que la haine de soi, la culpabilisation, la repentance ont leur utilité. C’est un moyen psychologique de faire légitimement passer l’autre devant soi. Le masochisme européen est l’outil obligé de la religion humanitaire. » Un constat sombre et lucide de l’incompatibilité existant entre l’idéal juridique de nos sociétés modernes et les nécessités du temps présent.