Stevenson rend compte ici de sa démarche méthodologique de manière détaillée. Alors que « 20 cas suggérant le phénomène de réincarnation » faisait la part belle à l’examen minutieux, pour ainsi dire exhaustif, des cas choisis, Stevenson choisit ici de donne de manière abrégée la substance vive de douze cas, et de développer les questions de méthodologie dans tout le reste de l’ouvrage.

Où l’on se rend compte (s’il en était encore besoin) que Stevenson n’est pas le premier plumitif venu sacrifiant à la mode des ouvrages sur la réincarnation parce que ça fait vendre. Le mal qu’il s’est donné pour traquer les différents cas dans le monde, les sélectionner selon leur vraisemblance, et les critiquer, donne à cet ouvrage le caractère d’une démarche pionnière, utilisant un matériau qui lui est personnel, bien loin de nous ressasser les histoires de fantômes qui traînent depuis deux mille ans, ou de compiler ce qu’on dit les myriades d’amuseurs qui l’ont précédé sur ce sujet.

La bibliographie qu’il nous propose en fin de volume est édifiante : l’ethnologie et la psychologie y tiennent une place prépondérante, loin des références ésotérico-fantastiques habituelles. Cela n’empêche pas Stevenson de nous présenter quelques rapports de télépathie entre un agonisant et un proche situé à très grande distance. Il se montre sceptique au sujet des « régressions » dans les vies antérieures pratiquées sous hypnose : on constate trop souvent que les hypnotisés inventent un véritable roman pour répondre à la suggestion de l’hypnotiseur, roman que les vérifications ultérieures viennent démentir. Il n’exclut pas que certains rêves puissent être influencés par des éléments de vie antérieure. Certaines crises de santé (drogues, maladies aiguës) peuvent réactiver momentanément des souvenirs de vie antérieure, normalement voués à être enterrés dans un oubli profond lorsque l’âge du sujet s’avance.

Stevenson attache une importance toute particulière aux « marques de naissance » sur le corps du sujet (taches, cicatrices, naevus, etc.). On constate souvent qu’elles sont exactement localisées sur un endroit du corps ayant subi un traumatisme, une blessure lors de la vie antérieure.

Les témoignages des sujets sur ce qui se passe pour eux entre deux incarnations sont particulièrement rares. Il semble qu’ils ne soient pas seuls, et qu’il y ait des sortes de délibérations avec d’autres entités sur le corps à choisir pour la prochaine réincarnation.

Stevenson décrit par le menu ses techniques d’enquête, et le luxe de précautions qu’il emploie pour s’assurer de la crédibilité des cas. Le réseau mondial d’informateurs dont il dispose permet de se rendre compte que les cas sont assez nombreux, pourvu qu’on se donne la peine de chercher.

L’auteur évalue en quoi le phénomène de réincarnation pourrait contribuer à expliquer certaines bizarreries dans les vocations, caractères, phobies et comportements des enfants. Il semble que, d’une incarnation à l’autre, on change couramment de sexe, et que cette considération se révèle de peu d’importance pour les réincarnés, alors que les « vivants » ont tendance à en faire tout un plat. Les relations nouées avec d’autres personnes dans une vie antérieure peuvent perdurer lors d’une réincarnation, mais selon des liens sociaux très différents (on peut devenir le jumeau d’un ancien ami, le fils de sa propre nièce, etc.).

Les réponses de Stevenson sont nettement plus hypothétiques lorsqu’il traite des questions « de bon sens » qui viennent spontanément à l’esprit en matière de réincarnation : comment peut-il y avoir de plus en plus de réincarnés alors que la planète est en pleine explosion démographique ? Y a-t-il une âme prévue d’office pour chaque corps ? Un futur réincarné doit-il disputer le corps qu’il désire à l’âme qui l’habite déjà ? Peut-il modifier les paramètres génétiques de l’œuf humain pour avoir la destinée qu’il désire (les développements de Stevenson à ce sujet semblent particulièrement hasardeux) ? Pourquoi certaines personnes se souviennent-elles mieux de leur vie antérieure que d’autres ? (la méditation et les émotions fortes vécues lors des vies antérieures peuvent faciliter cette remémoration). Peut-on se rappeler plusieurs vies antérieures ?

Stevenson n’échappe pas à une vision de type dualiste. Qu’est-ce qui se réincarne au juste ? La Personnalité ? Mais c’est quoi, la personnalité ?

Le travail considérable effectué par Stevenson donne des résultats troublants. Il suffirait qu’un seul de ces cas soit vrai pour détruire toute la philosophie rationaliste et matérialiste occidentale depuis deux mille ans. On comprend que les philosophes concernés s’empressent de se buter dans un négationnisme systématique, plutôt que de consentir à un tel cataclysme.
khorsabad
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le 12 juin 2013

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