Après le tour de chauffe Petits crimes japonais, une très belle balade à mi-chemin entre les nouvelles policières et les courtes fables, Kyotaro Nishimura devenait une curiosité. Comme la plupart de ses ouvrages n'ont pas été traduits, le choix était limité pour confirmer. Les grands détectives n'ont pas froid aux yeux s'imposait presque de lui-même. Une réunion des plus grands limiers de la littérature (H. Poirot, Maigret, E.Queen et K. Akechi) et un mystère à désembrouiller. Le genre de pitch qui excite la curiosité, surtout que Nishimura se joue bien de le réduire à une simple équation commerciale.
Au lieu de s'en tenir à une sorte de best-of référentiel, l'œuvre joue des attentes (ou connaissances) du lecteur sur ces grandes figures pour mieux les renverser. Les nombreuses allusions aux aventures passées de nos enquêteurs ne sont pas gratuites, derrière l'hommage affectueux se dévoile une manœuvre pour embrumer le tableau général. Nishimura respecte suffisamment le caractère de ses 4 mythes pour en livrer une peinture raffinée avec toujours une pointe d'humour. Derrière l'évidence d'une telle association, l'auteur imagine également les rapports entre ces caractères pas forcément assortis. À titre d'exemple, il s'amuse beaucoup autour de l'incompatibilité entre l'égocentrisme d'un Poirot et la nonchalance de Queen. Là où Maigret et Akechi se révèlent plus proche dans leur modestie. Qu'on se rassure, l'objet de ce congrès de génies n'est jamais laissé de côté, bien au contraire.
Les grands détectives n'ont pas froid aux yeux à l'instar de ses modèles se lit comme un jeu de pistes où Nishimura sème quelques indices par-ci par-là pour embarquer son lecteur. Les fans de thriller à tiroirs devraient être comblés puisque le livre leur laisse suffisamment d'éléments pour résoudre l'énigme. Jusqu'à cette bascule méta où les protagonistes adressent un défi aux bouquineurs. Une fois le concept tordu dépassé, un œil avisé aura probablement trouvé les réponses à ce micmac. Ce qui n'exclue pas d'y avoir pris du plaisir, surtout que les rebondissements sont nombreux et parfois déconcertants. Quant à la résolution finale - grinçante à souhait - elle devrait ravir les amateurs de whodunits.