Chicago dans les années 30. Harper, un petit délinquant, découvre une maison mystérieuse qui lui permet de voyager dans le temps, entre 1931 et 1993, afin d’éventrer sauvagement des femmes. Il laisse pour morte sa victime la plus éloignée, Kirby, en 1989, mais celle-ci survit et approche un journaliste sportif, ancien du service fait divers, qui a enquêté sur sa tentative de meurtre, pour récupérer le maximum d’informations et de retrouver son agresseur.
Deux ans après Zoo City, un original et passionnant polar fantastique paru aux éditions Éclipse, voici le deuxième livre (troisième en VO, son premier roman cyberpunk Moxyland n’ayant pas été traduit) de Lauren Beukes, cette fois-ci aux Presses de la Cité, dans la collection spécialisée en romans noirs sang d’encre.
Sur une base similaire à Zoo City (une intrigue policière à peu près classique transfigurée par un élément fantastique original) les Lumineuses est pourtant radicalement différent. L’Afrique du Sud pauvre et «exotique » laisse la place à Chicago et à la classe moyenne américaine ; aux multiples délinquants de Johannesburg se substitue un seul danger, un tueur en série. Dès lors, on se place dans la tradition des thrillers à l’américaine avec chasse à l’homme, et le style de Lauren Beukes se révèle extrêmement efficace : des chapitres courts alternants les personnages, une progression régulière des meurtres et de l’enquête jusqu’au dénouement final attendu. C’est très professionnel, voire trop : l’effet de réel est un peu forcé par exemple, en citant à chaque nouvelle époque un événement (la guerre du Vietnam) ou un objet (le discman) aidant à se situer historiquement et l’écriture est parfois trop démonstrative. L’élément fantastique (la maison à voyager dans le temps qui manipule l’esprit du tueur) fait prendre à cette trame classique un tour inhabituel qui surprendra plus d’un lecteur, d’autant plus que l’auteur ne livre pas de détail sur cette maison et ses capacités (peut-être se réserve-t-elle pour une suite ?).
Il semblerait que les droits d’adaptation du roman au cinéma aient été vendus avant même sa rédaction : bonne pioche pour l’acheteur, car le récit est extrêmement visuel. Lauren Beukes produit avec les Lumineuses un roman certes moins original que Zoo City (que les Presses de la cité ont eu la bonne idée de rééditer) mais tout aussi efficient et confirme son talent.