Aujourd'hui, je vais vous raconter comment je crus un jour faire la découverte du siècle et comment je fus vite désenchanté.
Balayant du regard les étagères d'une librairie d'occasion, je fus surpris d'y trouver au bout de quelques minutes de désespoir, un petit livre intitulé "Les Mauvaises nouvelles" de Nicola Sirkis. Moi qui ai toujours plus ou moins apprécié Indochine, je fus bien étonné de trouver une sainte-relique du chanteur de ce célèbre groupe de rock français. "Qui avait donc pu vouloir vendre ce livre ?" me disais-je, "Il sera mien désormais !". Je me hâtai de m'en emparer et je le brandit fièrement au vendeur afin d'en faire l'acquisition définitive. C'est alors que je rentrai chez moi et commis l'irréparable : dans un acte fou, alors possédé par le démon de l'adoration aveugle, je m'empressai de le lire.
Malheur à celui qui ne prend pas la peine d'ouvrir un livre avant de l'acheter ! Ce qui aurait du être mon trésor littéraire se transforma très rapidement en une insupportable bouillie de phrases indigestes. C'est alors que je compris tout le bienfondé de l'acte du précédent possesseur de cet ouvrage que j'avais pris à tort pour un noob sans jugeote. C'était moi le noob ! Oui moi je l'avais acheté alors que lui... Un sinistre coup de marqueur au dos du livre, juste en dessous des inscriptions "Prix France" me fit savoir qu'il lui avait été offert... Un jeu de mot trop peu subtil mais inévitable se présenta alors fatalement à moi : ce livre fut une vraie mauvaise nouvelle. Pourtant, une ancienne prophétie m'en avait prévenu mais je m'étais entêté à ne pas y prêter attention, à me bercer de douces illusions confortables au sujet de ce Nicola Sirkis. Cette prophétie avait pour nom : "Des Fleurs pour Salinger". Tout est là. J'avais, ô combien, littéralement haï "L'Attrape-cœur" de Salinger (qui lui aussi, je dois dire, avait bien réussi à m'attraper), et c'était donc tout à fait normal que j'en vienne à détester le livre d'un auteur qui chante une ode à cet écrivain, signe manifeste qu'il est inspiré par la lumière salingerienne descendue sur terre pour nous faire grâce (notez que "faire grâce" ne prend hélas pas ici le sens d'épargner, ce qui aurait été de loin préférable).
Alors, pourquoi tant de haine devant l'œuvre de notre cher Nicola ? Comme si son absence de "s" en fin de prénom n'était pas suffisante pour lui faire du tort, voilà que l'autre Jeunewerther débarque avec ses gros souliers et remet en cause 150 de ses pages enfantées dans la douleur.
Pour mieux exprimer mon désarroi, je vais tâcher d'être précis et j'énumèrerai toute les mauvaises nouvelles que m'apporta le fruit de ma déception.
1. Salinger. Je l'ai déjà dit, mais je n'ai pas aimé "L'Attrape-couillon", euh *bip* "L'Attrape-cœur", pardon. Et manque de chance, "Les Mauvaises nouvelles" contiennent tous les défauts de "L'Attrape-cœur" (et bien plus encore). J'imagine que, dans ce cas, pour Nicola Sirkis c'est plutôt réussi, voilà au moins un point positif. Cette mauvaise nouvelle n'en est pas totalement une alors. Mais quand même, quand t'écris comme tu parles, tu vois, et que t'es un peu jeune comme ça, c'est pas très stylé (non mais j'exagère, je l'avoue). Peut-être que pour Salinger c'est une histoire de traduction (reste ensuite le sujet auquel je n'ai quand même pas adhéré) car j'avoue avoir aimé "Voyage au bout de la nuit" de Céline dans le style écrit-parlé, mais "Les Mauvaises nouvelles" tout à fait francophones, elles, n'ont pas d'excuse.
2. Autant les thèmes un peu sexuels des chansons d'Indochine abordés avec un peu d'étrangeté et de mystère, apportent à l'œuvre musicale un charme certain, autant les retrouver dans des nouvelles, le mystère en moins, avec un style maladroit, c'est trop gratuitement glauque, cela ressemble à de la provoc' de collégien emo (cf la nouvelle "Justine (à l'heure dite)" au summum de ce glauque gratuit, avec une petite fille de onze ans qui... je vous laisse deviner la suite).
3. Revenons sur le style. Je viens de le dire à l'instant : le style est, en plus d'être salingerien, maladroit. On dirait, une fois encore, un collégien (emo ou non, je vous laisse le choix) qui essaie de faire du style, qui essaie de jouer avec son lecteur, mais, manque de chance, pour un lecteur aguerri comme moi ("des fleurs pour jeunewerther, oh oh oh oh oh oh allez tiens ! des fleurs pour jeunewerther"), ça ne passe pas, c'est gros comme une montagne et c'est même agaçant. Des répétitions, des phrases nominales, un grave problème de syntaxe par moments, des points de suspension à tort et à travers pour essayer en vain de rythmer le récit de façon classe et de faire plein d'effets tout zoulis de-la-mort-qui-tue. Que nenni ! Et j'en passe.
Bref, ce n'est pas fameux. Quelle déception ! A présent, je n'ose revendre ce maudit opuscule, moi l'âme charitable qui craint que quelqu'un ne se fasse avoir dans les mêmes conditions que moi. Il hante depuis ma bibliothèque rangée par ordre alphabétique, errant quelque part entre "L'Esclave" de l'écrivain yiddish Isaac Bashevis Singer, et le théâtre complet de Sophocle. Je sais cette proximité déshonorante pour ses deux voisins, mais, tel Frodon Sacquet, j'ai juré de supporter ce fardeau en attendant de pouvoir le jeter un jour dans ce qui sera ma propre Montagne du Destin.
Je ne vais pas en dire davantage car, à ce stade de ma critique, je commence à me sentir méchant. Je m'en vais écouter toute la discographie d'Indochine pour me repentir. Amen.
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