Les Tifs se passe dans un Harlem des années 1960, qui se rapproche du notre mais en diffère. L'auteur, Charles Stevenson Wright, est noir, tout comme son personnage principal. Il a écrit ce livre en 1966. L''avant-propos du traducteur évoque une auto-fiction dystopique. C'est dire si lire ce livre est à la fois plonger dans un univers qui nous semble proche mais aux détails différents.
Lester est noir. Il vit dans un immeuble miteux, rempli de personnages excentriques et inconscients de leur triste sort. Lester en a marre d'être en bas de l'échelle, de devoir se contenter de peu, dans une société où les noirs sont rabaissés. Il a les cheveux crépus. Il va se lisser les cheveux avec une lotion supposément miracle, le Silky Soath, pour devenir un peu moins noir, un peu plus blanc. Avec ses nouveaux tifs sur la tête, il va décider de s'imposer et de rencontrer la gloire et la belle-vie. Ce ne sera pas aussi simple.
C'est donc un roman qui a les pieds dans la misère et la ségrégation raciale des années 1960 tout en prenant la forme d'une discrète dystopie, grâce à quelques touches irréelles mais cohérentes avec le ton du livre. La réalité n'est pas loin, la critique est sévère. La société américaine ne peut pas laisser sa place aux noirs de l'époque, et encore moins à ceux qui seraient prêts à sacrifier leur identité noire.
C'est un livre amer, dont on entend entre les pages la colère de son auteur, mais écrit avec une certaine poésie, une poésie peut-être suintante, urbaine, sale. Ce sont des répliques parfois grandiloquentes d'ambition, des monologues d'un grand désespoir, des descriptions de décors et de personnages abîmés.
C'est un livre qui est un coup de poing adressé à son personnage principal, mais aussi à notre réalité. L'auteur, de milieu très modeste, n'écrira que trois livres, détestés par la critique de l'époque, seulement reconnus aujourd'hui.