Ce roman a très bien su trouver son titre. Lignes, il s'agit pour Murakami de s'attarder le temps d'un chapitre sur un personnage qui va en croiser un autre et ainsi de suite. Des pièces de puzzle, des "lignes" imaginaires qui relient chaque protagoniste entre eux, dans leurs excès de violence, dans leurs troubles de personnalité, dans leurs déviances sexuelles, soumis à la pression quotidienne d'une société japonaise propre aux années 90.
"Lignes" parce qu'un personnage revient souvent en toile de fond, un personnage capable de lire dans les lignes téléphoniques grâce aux signaux électriques, un genre de symptôme lié à quelque chose dans son cerveau.
Si le roman permet d'aborder les travers, les perversions, les dysfonctionnements de cette société tokyoïte, il dénonce également les abus incestueux, les corps qu'on ne retrouve jamais, la maltraitance psychologique autant que physique. Bref une société qui fourmille, dissimulée derrière des traits quasi normaux, révélant une ambivalence autant normale que psychopathe.
Le schéma est quasiment le même que pour Bleu presque transparent, le côté Trainspotting en moins. Murakami tente un exercice de style qui lui réussit plutôt bien et qui quand on réfléchit ne peut être qu'un tremplin pour des films tels que Donnie Darko (les lignes invisibles qui relient les êtres humains entre eux, annonçant clairement que l'humanité forme un "tout) et un peu plus tard Gaspar Noé pour Enter the Void, le côté enquête ésotérique en moins.
C'est un roman court, incisif, qui donne des vertiges, qui nous permet de nous rendre compte qu'en dix ans sans lire de Murakami, on peut devenir plus sensible à une certaine forme de violence littéraire qui n'avait pas lieu d'être avant.
Un très bon Murakami en somme, que je recommande plus que chaudement !