Première raison d'adorer ce bouquin : ce qu'il raconte. Une traversée en apnée d'un siècle malade, sur les traces des hérétiques modernes refusant tout compromis (mais pas forcément toutes compromissions) avec le capitalisme marchand : dada, lettrisme, situationnisme, musique punk. Partant justement du cas Johnny Rotten, Marcus plonge dans le courant de cette histoire secrète, enfouie, maudite, qui a vu se lever et tomber des soldats de l'ombre, battus avant même d'avoir combattu, et il le remonte jusqu'aux millénaristes et aux Cathares, longue chaine inconsciente de résistance à la froide matérialité.
Deuxième raison de l'adorer : la façon dont il raconte ça. Marcus est tout à la fois un acteur de ces années là, un reporter qui nous fait vivre en direct ce qui s'est passé, un enquêteur qui revient sur le lieu du crime, un penseur qui cherche à tirer de ces tourbillons un enseignement, une philosophie. Son texte est habité, il nous plante sans aucune affèterie en plein cœur de cette pensée complexe, à la fois gnostique, politique, poétique, et nous la détaille avec la rigueur d'un scientifique et l'émotion d'un amoureux : pas pour la justifier ou l'adouber, plutôt pour l'éclairer, la dépouiller d’oripeaux inutiles. Remplacer une légende par de la mythologie. Il renoue des fils occultés, il trace des parallèles étonnants, sans se départir d'une distance jamais ironique, toujours bienveillante. Mais surtout, la force de ce livre, c'est son écriture. On dirait le vol d'une phalène autour de la flamme qui la fascine mais ne pourrait que la tuer. Grâce à elle, Lipstick Traces est un voyage dans les ténèbres, un magnifique moment de tristesse, un requiem pour un rêve qui n'adviendra jamais.
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