Joli projet que celui de retracer le parcours de Santoka, le dernier grand haïkiste (1882-1940). Un homme peu épargné par les coups durs, né à la campagne et ne s’étant jamais remis du suicide de sa mère alors qu’il n’était qu’un enfant. Des études universitaires rapidement avortées, une existence sans relief, un mariage raté, la découverte de la poésie et la volonté de suivre les pas du grand maître Basho l’auront poussé à découvrir le Japon à pied, dans le dénuement le plus total, pendant plusieurs décennies. Ce buveur invétéré, ne cherchant rien d’autre que « vivre pleinement l’instant » était persuadé que « la marche à pied mène au paradis ».
Un plaisir de retrouver le Hubert Haddad que j’aime, tout en délicatesse. A l’image du marcheur impénitent, il prend son temps, s’attarde sur des détails dont l’insignifiance cache une réelle profondeur. Il décrit une vie d’ascète et de dépouillement faite d’observation et de méditation, une vie d’errance et de mendicité pleine de sens. Et le tout sans enjoliver les choses ni les fantasmer, sans occulter la faim, le froid, la pluie, la misère, la solitude ou encore l’accueil parfois agressif des villageois chez qui Santoka demande l’aumône.
La construction du récit est malicieuse, je vous laisse la découvrir par vous-même. Surtout, l’écriture d’Haddad, sensible et à l’écoute d’une nature évoluant au gré des saisons, est d’une douceur qui fait un bien fou. Un roman zen dans la veine de l’excellent « Peintre d’éventail », idéal pour attaquer la rentrée du bon pied.