En voyant passer quelques chroniques truculentes de ce roman, je me suis dit que celui-là devait absolument être lu, coup de cœur assuré… Et bien, ça n’a pas manqué, elle m’a tapé dans l’œil, m’est allée droit au coeur la Mamie Luger !
A l’aube, une brigade de police menée par l’inspecteur Ventura prend d’assaut la bicoque auvergnate de Berthe Gavignol, pas moins de 102 ans, 38 kilos, mais fièrement armée d’un Luger. Impressionnée la mamie ? Pas le moins du monde, elle canarde l’escouade après avoir tiré dans les fesses de son voisin notaire! A huit heures l’interrogatoire de la bien-nommée Mamie Luger commence: pour quelle raison a t’elle sauvé la mise à deux fugitifs, leur permettant de prendre la poudre d’escampette avec l’Audi du voisin ? Ce n’est pas tous les jours que le commissariat reçoit une invitée comme celle-ci : Berthe Gavignol a réponse à tout, sa gouaille incomparable mouche l’inspecteur à chaque réplique! Avant d’avoir réponses à ses questions, l’inspecteur Ventura devra s’armer de patience, pourtant il ne s’attend pas aux surprises que lui réserve la mamie Luger en lui contant le récit de sa vie… A commencer par l’origine du fameux Luger, arme allemande héritée d’un nazi trépassé dissimulé dans les profondeurs de la cave de la vieille dame…
Le roman oscille entre le présent, où a lieu la garde à vue de Berthe, et le récit de sa vie passée. Les échanges désopilants avec l’inspecteur Ventura sont impayables et cocasses et révèlent le caractère bien trempé de cette centenaire aguerrie, que rien n’effraie. Loufoque et décalée, pas de doute Mamie Luger en impose et parvient même à « émotionner » notre vertueux policier. C’est qu’elle a eu une sacrée vie, la mamie ! Elle la raconte dans une verve fleurie à souhait, souvent très crue, qui porte à sourire bien sûr, mais ne vous y trompez pas, le fond est sordide car les évènements qu’a connu Berthe Gavignol sont difficiles, insupportables parfois. Mamie Luger est un roman noir, où violence, viol et meurtres sont explicites… Mais! Il y a la forme, et que ce soit dans les dialogues truculents ou les récits de ses crimes, le style est burlesque, percutant: elle nous scie la mamie !
La répétition des aveux de Berthe Gavignol aurait pu devenir lassante: le même schéma revient et revient encore. Mais ! Par ces répétitions se dévoile un côté intime de la personnalité de Berthe que l’on découvre sensible et généreuse, féministe avant l’heure. Une vie marquée par des hommes, souvent abjects et violents. Sauf un, le véritable amour. Et par le fait de ne pouvoir être mère. On irait bien jusqu’à lui pardonner tous ces crimes, car si la vieille peau est coriace et carnassière, il faut bien avouer que ces hommes enterrés l’avaient bien mérité ! Alors, légitime défense ou tueuse en série acharnée ? L’inspecteur Ventura va devoir trancher…
Je ne peux que conseiller aux lecteurs avertis ce roman drôle et fantasque, à la fois décalé par ses dialogues truculents et si « dans l’air du temps » par ce personnage ultra-féministe !