Les auteurs, Anne Case et Angus Deaton sont tous deux économistes et se posent la question de savoir pourquoi les blancs Américains entre 45 et 54 ans peu instruits (diplôme inférieur au master), se suicident plus que les autres américains (armes à feu, overdoses, alcoolisme…).
Le livre est bien documenté et de nombreuses courbes étayent les propos. Ce livre se lit facilement et bien qu’étant un livre d’économie est accessible à tout un chacun.
Peu d’analyse concernant l’alcoolisme ni les armes à feu, mais surtout les morts par overdose.
Le livre dénonce le pouvoir des entreprises pharmaceutique et de santé, leurs monopoles, le fait que le lobbying est très important. Les auteurs insistent beaucoup sur la recherche de rente des entreprises touchant à la santé et au manque d’innovation (entreprises pharmaceutiques, hôpitaux, médecins etc..).
Recherche d’un rapport de cause à effet entre la vente libre des opioïdes et les morts des blancs peu instruits.
Tout cela est très bien et nous permet de comprendre le fonctionnement des systèmes de santé aux USA.
Les USA dépensent par habitant 10 000 dollars par an contre 3000 à 4000 en Europe, pour un système de santé défaillant et profitant aux riches. Page 23 puissance des sociétés pharmaceutiques, protégées par les licences publiques qui leurs permettent de gagner des milliards de dollars en vendant des opioïdes addictifs. Le système de santé Américain est un parfait exemple d’institution qui, sous protection politique, redistribue les revenus vers le haut.
Les auteurs essayent de faire quelques parallèles avec d’autres pays riches où les suicides des blancs peu instruits ne sont pas significatifs. Quelques phrases sur le Royaume Uni et pour le reste l’Europe dans son ensemble. Aucune réelle analyse.
Les auteurs pensent que des systèmes comme les systèmes européens (qui ne sont analysés à aucun moment) ne sont pas applicables aux USA. Que le capitalisme est une bonne chose, mais qu’il doit être plus vertueux, que les lois anti trust devraient suffire. Page 315 Loi anti trust … Elle est conçue pour favoriser un environnement concurrentiel, et non réduire les inégalités causées par la concurrence ou la puissance corruptive de l’argent à Washington
Page 333 La démocratie en Amérique va mal… les dysfonctionnements sont liés à la manière dont l’argent fonctionne à Washington… 6,5 millions de dollars en 2018 par sénateur .
Ils disent quand même que ce lobbying et les dépenses de publicité ne devrait pas s’appliquer à la santé et il y a une petite phrase ouvrant une porte vers les monopoles des banques et des compagnies aériennes. .
Rien sur l’éducation sinon que l’université gratuite pour tous ne serait pas une bonne chose. Page 357 l’université gratuite pour tous coûterait très cher et offrirait surtout des bienfaits à ceux qui en ont le moins besoin. Le système Américain basé sur la méritocratie a été dévoyé au profit des plus riches, les universités ne sont accessibles qu’à eux. Page 209 la hausse de l’avantage salarial lié aux études. Les Etats Unis sont le cas le plus extrême suivi par les autres pays anglophones. Page 81 Méritocratie inégalitaire. Là je ne comprends plus, une méritocratie inégalitaire s’apparente pour moi à du piston. La méritocratie devrait être basée sur le mérite et non des diplômes achetés.
Rien sur les armes à feu sinon que c’est impossible à réglementer. Page 136 accessibilité aux armes : toute enquête est impossible par l’action de la National Rifle Association qui fait pression sur le congrès pour qu’il ne finance ni la recherche ni la collecte des données à ce sujet.
Et plusieurs allusions à la religion. Aux pertes de repères et de valeurs. Page 240 la religion est une composante importante de la vie pour la plupart des Américains, bien plus que dans d’autres pays riches…les croyants se portent mieux : ils sont plus heureux, plus généreux, moins susceptibles de fumer, de boire ou de prendre de la drogue.. les amis qu’on se fait à l’église contribuent à rendre la vie meilleure.
Plusieurs couplets aussi sur le ‘ c’était mieux avant’ . Les ouvriers aimaient leur travail, avaient un sentiment d’appartenance à l’entreprise. Page 224 l’homme allait à l’usine et ce qui donnait un sens à sa vie, c’était la dignité de son dur labeur productif plutôt que le montant de son salaire.
Et une défense permanente du capitalisme même quand celui-ci ne permet pas la résolution des problèmes. Ci-dessous quelques exemples pris dans le livre :
Page 291 Nous croyons en la puissance de la concurrence et des libres marchés. Le capitalisme a mis un terme à la misère. La crise des opioïdes a montré le mauvais visage du capitalisme. Un petit bémol sur les opioïdes quand même.
Page 303 La mondialisation et le progrès technologique sont de bonnes choses.. ils permettent collectivement des revenus plus élevés . et font autant de perdants que de gagnants..Je pense qu’il y plus de perdants que de gagnants. Les inégalités ont bondies et le fameux ruissellement se fait attendre.
Page 304 Nous ne pouvons sûrement pas nous permettre de renoncer à la croissance. Peut-être mais, encore faudrait(il expliquer pourquoi. Cette phrase arrive comme un postulat.
Page 297 Après tout l’histoire a vu se produire de fortes croissances ….. il n’est tout simplement pas vrai qu’il existe un nombre fixe d’emplois assortis d’une enveloppe salariale fixe de sorte que plus de travailleurs signifie moins d’emplois disponibles et une moindre rémunération pour tous. Comment eu-on penser que ce qui est advenu dans le passé se reproduira (forte croissance) et ne pas admettre que le nombre d’emplois puisse être limité est étrange.
Page 335 Démocratie +lobbying = démocratie sélective A aucun moment le terme de corruption n’est employé. Quand des passe droits existent en dehors du monde occidental c’est de la corruption, et chez nous c’est la démocratie qui est sélective (sic)
Page 340 les économistes prioritaristes (donner moins de poids aux gens qui possèdent beaucoup) conçoivent des systèmes fiscaux dont le but est l’égalité des revenus, tout en reconnaissant les limites venant du fait que plus l’imposition est lourde , moins les gens contribuent à l’économie. Pas question d’ISF ni de taxation des riches, cela ne sert à rien car ils sont peu nombreux et la redistribution par pauvre serait trop faible.
Nous soupçonnons que la majorité des Américains est contre un système d’imposition des hauts revenus
Nous sommes contre l’imposition à taux marginal élevé sur les plus hauts revenus, qui résulte de calculs prioritaristes
Page 351 Nous admettons qu’il existe de réels problèmes dans certains secteurs comme les soins de santé et la finance
Les employeurs trouvent des moyens pour payer leurs travailleurs moins que le salaire concurrentiel.
Il est aussi bon que les régulateurs et politiciens européens soient d’un autre avis, afin que nous disposions d’une connaissance pratique des alternatives, même si elles sont inspirées par le protectionnisme contre les entreprises américaines…. Le monopole est illégal mais il est difficile à poursuivre et à réprimer. Les régulateurs européens sont inspirés par un protectionnisme contre les entreprises américaines : Là, on croit rêver. Si protectionnisme il y a il est plutôt de l’autre côté de l’atlantique. J’ai plutôt l’impression qu’en France nous sommes envahis par les produits et les pensées américaines. Et les arrogants ne sont pas ceux qu’on croient. Quelle méconnaissance de nos systèmes publics.
L’analyse sociale est très faible, les auteurs sont des économistes et ne veulent peut-être pas aller sur un terrain qui n’est pas de leur compétence. Cependant, Page 95 les auteurs cite le livre, « le suicide de Durkheim » l’oppression pousse les individus à s’adapter à la misère ? Page 307 Beaucoup d’Américains sont partisans de l’individualisme. Les gens sont moins désireux de participer à des systèmes d’assurance mutuelle avec d’autres groupes ethniques. Page 90 un extrait de la bd doonesburry nous montre un Blanc et un Noir dialoguant et le Noir faisant comprendre au Blanc que lui et sa famille sont très malheureux depuis longtemps et que rien ne change donc, il n’y a pas de raison d’être désespéré.
A aucun moment les auteurs ne cherchent à savoir ce qu’ont vécus ces blancs concernés. Est-ce que leurs parents étaient beaucoup moins malheureux que ceux des hispaniques ou afro-américains ? Est-ce qu’ils ont été élevés dans le culte de l’enfant roi ? Viennent ‘ils de familles de classes moyennes avec peu de frères et sœurs. ? Toute cette analyse manque. La comparaison avec les Africains Américains et les Hispaniques n’existe pas. Souvent une petite comparaison avec les Africains Américains qui ne rentrent pas dans les statistiques des suicides ainsi que les hispaniques. Toujours le même leitmotiv : ce n’est pas pareil pour eux, sans aucune analyse.
Page 309 réticence du pays à adopter une protection universelle incluant les Africain Américains.
Il manque vraiment une analyse mondiale ou au moins de comparaison avec les autres pays riches. Analyse qui permettrait peut-être de voir où sont les défaillances du capitalisme à l’américaine concernant ces blancs laissés sur le côté de la route.
Beaucoup d’économistes sont cités et j’ai été très étonné qu’à aucun moment Thomas Piketty n’ait été mentionné. Dans son dernier livre plusieurs chapitres sont consacrés à une comparaison des inégalités entre les USA et autre pays riches. Les auteurs auraient aussi vu que les inégalités en Europe sont différentes entre le Royaume Uni , la France ou l’Allemagne. Un amalgame sur l’Europe montre une méconnaissance du terrain.
Ce livre doit s’adresser aux Américains blancs, le texte est simple, il ne faut pas trop sortir du pays, cela n’intéresse personne. Le message à faire passer doit être martelé. Dans ce cas il a atteint son but.
Le livre ne manque pas d’intérêt, nous apprend beaucoup sur les USA et les systèmes de santé, les lobbys, la FDA, mais, à mon avis prouve encore et toujours le côté totalement auto centré des américains. Le manque d’ouverture aux pensées des autres. Le capitalisme, pourvu qu’il soit vertueux est le meilleur système, et seule l’Amérique trouvera en elle-même les remèdes à ses dysfonctionnements.