Le livre de sorts de l'arabe fou; Un manuscrit traduit du grec à l'arabe, le texte grec se référant lui-même à des sources plus anciennes, babyloniennes ou mêmes sumériennes, parlant de dieux capricieux et de choses qui dorment sous la surface du monde; Une histoire impliquant la CIA, de faux-prêtres infiltrés au service des deux blocs de la guerre froide, la renaissance de l'occulte aux états-unis et tout un tas de trafiquants et d'arnaqueurs cherchant à obtenir une place plus élevée par le mensonge et le chantage; Un ouvrage qui essaye tout à la fois d'être une œuvre de fiction, un hommage à celui que beaucoup concidèrent comme le père de l'horreur moderne, un manuel d'initiation à l'ésotérisme et une charge effrénée contre la rationalité étouffante de notre monde moderne; Voilà en peu de mots ce qui résume le Nécronomicon Simon, qu'internet semble avoir qualifié de meilleur version du Nécronomicon disponible. Et ma foi peut-être, si l'on oublie une grande partie de ses défauts.
Tout d'abord, rappelons à ceux qui ne sauraient pas que le Nécronomicon est sensé être, dans la mythologie bizarre d'H.P Lovecraft, un très ancien livre de sortilèges et de prières adressés à des divinités dont il vaudrait mieux taire le nom. Ce livre est entouré d'une aura mystique, car il est si puissant et ce qu'il invoque est si incontrôlable que sa redécouverte pourrait conduire l'humanité à sa perte. Bien entendu, le livre n'existe pas, mais Lovecraft a su être si convaincant que beaucoup à l'époque ont cru le contraire. C'est précisément ce sentiment qu'essaye de retranscrire le Nécronomicon Simon, dans trois parties distinctes. S'il fallait leur donner un nom, je pencherais pour :
1) Comment rendre un canular crédible
2) Le Nécronomicon en personne
3)Pour ceux qui voudraient aller plus loin
Pour ce qui est de la première partie, elle est à mon sens remarquable : elle est faite d'une sorte de mélange entre réalité et fiction, avec un très grand nombre de données réelles dans des domaines variés, que ce soit l'archéologie, la linguistique, les intrigues politiques de la guerre froide ou encore la magie. Oui, la magie : cette première partie est une véritable mine d'or pour ceux qui voudraient s'initier à l'occulte, car l'histoire de la découverte du Nécronomicon qui nous y est racontée implique bon nombre de cercles d'initiations, de la Wicca aux satanistes en passant par les adeptes de l'Aube Dorée et d'Alister Crowley. On y apprend beaucoup de choses intéressantes et l'on est rapidement si captivé que l'on en vient à douter de la fausseté de l'ouvrage qui va nous être présenté. Elle enrichie également considérablement la compréhension même de l'ouvrage et l'on comprend donc, à la lecture de la deuxième partie, tout ce qui a pu y être caché de "véritable" ésotérisme.
Cette fameuse deuxième partie regorge donc de références à la mythologie sumérienne et babylonienne, mais est aussi une conception géocentrique du monde, un traité de numérologie et d'alchimie et même un manuel de traduction phonétique du sumérien. On a même le droit a un ultime ouvrage parlant des sortilèges invocables grâce aux cinquante noms de Marduk et un mode d'emploi pour s'en servir. Autant dire que l'on est gâté et qu'effectivement, cet ouvrage devient presque crédible. Et j'insiste bien sur le presque.
Par ce qu'au bout du compte, l'ouvrage oublie sa dimension d'hommage pour ne plus se concentrer que sur la tâche qu'il semble s'être lui-même fixée. A savoir, profiter du fait que nous nous sommes mit à croire un petit peu au Nécronomicon pour nous faire avaler toute la pilule de l'ésotérisme d'un seul coup. La dernière partie commence ainsi par le cheval de bataille des pseudo-sciences, à savoir nous balancer que la science n'est qu'un tas de personnes ignares et sectaires qui n'acceptent pas qu'il puisse y avoir une vérité en dehors de la leur propre. Puis elle nous oriente sur tout un tas d'ouvrages et de références, tout en répétant constamment ce qui a déjà été dit dans la première partie. Or le livre est déjà extrêmement long, dense et volumineux : il s’essouffle à vouloir être grandiloquent. Ajoutez à cela un style tout en apartés et en descriptions et vous vous retrouvez avec un livre intéressant certes, mais tout de même assez déplaisant dans le ton qu'il finit par prendre, qui gâche une grande partie du travail accompli.
Mais bon, l'ouvrage claque dans une bibliothèque et nous en apprend tellement plus sur l'ésotérisme et Summer qu'on le lui pardonne volontiers. A recommander à celles et ceux qui sont capables de se farcir mille pages tout en gardant son sens critique affuté.