"Toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon." Lionel Duroy a fait sienne cette célèbre phrase de Tolstoï, l'écrivain ne cessant d'y revenir depuis des années, creusant sans fin le sillon de l'autofiction. Lui, il était né visiblement pour ressasser et tant mieux si ses livres ont des vertus thérapeutiques pour l'homme devenu écrivain d'autant que le succès commercial suit. L'exercice a cependant ses limites malgré le savoir-faire de Duroy qui, dans Nous étions nés pour être heureux, en vient aux grandes scènes de retrouvailles et de réconciliation d'une fratrie déchirée après avoir vu ses souffrances d'enfance révélées sur la place publique ou plutôt littéraire. Si on peut parfois se perdre parmi les nombreux personnages, cela n'a guère d'importance car ils sont tous, à commencer par le personnage central, incapables de parler d'autre chose que de leur existence, ensemble ou séparément, actuelle et surtout passée. Il faut reconnaître à l'auteur le courage d'exposer clairement les reproches de ses proches et celui de reconnaître qu'il est depuis des années dans la volonté monomaniaque et obsessionnelle de se retourner sans cesse sur son histoire personnelle. Et le lecteur dans tout cela ? Eh bien, il ne peut manquer de se sentir un peu voyeur, comme un étranger invité par erreur à un repas familial où l'on louvoie entre règlements de compte et assauts de tendresse. En même temps, il est certain que chacun y retrouve peu ou prou des bribes de sa propre existence. D'où ce mélange de fascination et de malaise qui résulte de ce grand déballage.

Cinephile-doux
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes livres de 2019

Créée

le 27 oct. 2019

Critique lue 237 fois

3 j'aime

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 237 fois

3

D'autres avis sur Nous étions nés pour être heureux

Nous étions nés pour être heureux
Val_Cancun
8

Un dimanche à la campagne

Quand on est lecteur fidèle de Lionel Duroy, ce dernier roman en date est un immanquable : c'est le livre de la réconciliation, après tant d'années de déchirements. En effet, "Nous étions nés pour...

le 27 oct. 2020

3 j'aime

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13