La vie, la mort : les beaux romans sont souvent les plus simples. Raconter la survie dans le ghetto de Prokov pendant la guerre, c'est écrire l'humanité nue, le froid, la crasse, la faucheuse qui rôde, la quête éternelle de nourriture et de réconfort. C'est écrire aussi les coups bas, la petitesse des survivants qui sont souvent les plus durs au mal, les plus vils... Tout se vend. Tout se vole.
Edgar Hilsenrath a regardé l'horreur dans les yeux avant de mettre plus de dix ans à la coucher sur le papier. Sa dénonciation sans artifice de la cruauté entre juifs, au fin-fond de l'Ukraine, a fait de "Nuit" un roman longtemps mal vu, presque tabou. Publié en 1964 puis interdit, confidentiel à sa sortie américaine douze ans plus tard, le livre est aujourd'hui enfin réhabilité et reçoit la reconnaissance qu'il mérite grâce aux éditions Attila : un grand texte peuplé de fantômes, de moments de grâce, d'immoralité, et de marché noir.
Entre deux autofictions parisiennes à l'encéphalogramme plat, voilà le genre d'électrochoc qui empêche la littérature de ronronner.