Pour animer son excellente émission Mauvais Genres sur France Culture, François Angelier a su s’entourer d’une équipe de collaborateurs érudits et passionnés. Christophe Bier est un de ceux-là et il présente dans ce livre les textes de 132 chroniques écrites pour l’émission entre 2003 et 2016. Le maître d’œuvres du monumental Dictionnaire des films français érotiques et pornographiques de longs métrages est présenté par son éditeur comme « le fils de Brigitte Lahaie et de Pic de la Mirandole », le Bossuet du bis, le Savonarole du X, « le Malraux de la planète freaks »…
Véritable encyclopédiste de la contre-culture, il aborde, avec une gourmandise communicative, des objets aussi divers que les fanzines, les attractions foraines, la lingerie, les séries B turques, les danseuses, « l’âge d’or sixties de la comédie française désolante », les monstres, les fumetti per adulti, le surréalisme, les pin-up, les photos fétichistes, les péplums, l’art brut, le strip-tease, le « sadisme décoratif »… « Mes yeux s’emplissent de stupre et de folie, écrit-il, ému. Ils décrivent, effarés, passionnés. Ils pleurent de reconnaissance, s’écarquillant de dévotion muette. » A peine nous a-t-on raconté que Philippe Muray fit ses premiers pas comme auteur de romans de gare à la « Brigade mondaine », à peine nous a-t-on entretenu quelques instants de l’histoire du rock à Clermont-Ferrand que nous voilà embarqué dans une méditation sur les seconds rôles oubliés du cinéma, un article sur les convulsionnaires de la Salpêtrière ou l’éloge d’une « collection bibliographique illustrée de littérature flagellante ».
Bier ne manque jamais de rendre hommage à ses idoles : Jess Franco, Jean-Jacques Pauvert, Jean Boullet, Jean-Pierre Bouyxou, Lina Romay, Jean-Pierre Mocky, Jean Rollin… Le seul reproche qu’on pourrait faire à ce livre – mais c’est un reproche qu’on pourrait tout aussi bien faire à Mauvais genres – c’est qu’il lui manque une dimension visuelle, on aurait apprécié que chaque chronique puisse être accompagnée d’une illustration, tant il est vrai que la vue semble être, des cinq sens, celui que l’auteur affectionne le plus.