J’ai entendu le nom d’Aphra Behn pour la première fois dans le film de Danielle Arbid, "Passion simple", adaptation du roman éponyme d’Annie Ernaux, où le personnage de Laeticia Dosch, professeure de littérature, le prononce lors d’un cours, et encore si vite qu’il m’a fallu remettre le passage en forçant le son… C’est dire le chemin détourné que le court texte "Oroonoko" a pris pour arriver jusqu’à moi ! Datant de la fin du 17ème siècle, "Oroonoko" contient tous les éléments de la tragédie antique. De Cormantine, l’actuel Ghana jusqu’au Suriname, l’histoire de ce prince héroïque, victime d’une série de trahisons offre à Aphra Behn, qui aurait voyagé au Suriname, la possibilité d’un récit factuel, prémices de l’anthropologie. Cette position d’observatrice fait qu’elle narre les choses avec un souci d’exactitude, et une grande liberté, ne taisant rien sur l’esclavage auquel s’adonnent les puissants de Cormantine, ou décrivant sans fard les tares de la population blanche, constituée d’anciens forçats. Je trouve ce texte d’une extrême modernité, dans cette façon de glorifier un personnage de couleur et sa culture, en les opposant à la culture blanche, dévoyée par ses représentants. La traduction de Guillaume Villeneuve révèle toute la beauté de l’écriture.

abel79
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le 7 mars 2023

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