Après le “sens moral”, un sens ÉCOLOGIQUE ?...

Dans son bouquin « Le bug humain » (https://www.senscritique.com/livre/Le_bug_humain/38959287) Sébastien Bohler nous a fait découvrir que nous étions TOUS "dopés à la dopamine" – on dirait un gag ! – cette drogue du plaisir, de la récompense, que diffuse le striatum, un petit coin du cerveau, pour aller toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus fort ! C’était l’avers de la médaille… Et, vous savez quoi ? Il existe toujours un envers, à une médaille… C’est le sujet de ce livre-ci !
Sébastien Bohler est né en 1970 à Strasbourg, il est ingénieur, ancien élève de l’École polytechnique, titulaire d’un DEA de pharmacologie moléculaire et cellulaire et d’une thèse de neurobiologie moléculaire à l’université Pierre-et-Marie-Curie, sur le fonctionnement des récepteurs neuronaux impliqués dans la dépendance à la nicotine. Il est, également, journaliste, chroniqueur, conférencier et écrivain. Rédacteur en chef de la revue Cerveau & Psycho, il intervient dans les domaines liés aux neurosciences et à la psychologie.
Donc, après "Le bug humain" et la dopamine, l'auteur nous livre une nouvelle question fondamentale pour tout être humain : la question du sens de son existence. J’en fais un "rapide" compte-rendu au fur et à mesure de la lecture.
Seulement voilà, arrivé au dernier chapitre, je me suis rendu compte qu’il reprenait, un peu, en conclusion, l’essentiel du livre et qu’à lui seul il constituerait un compte rendu acceptable en version courte. D’où la conclusion qui suit.


Pour les curieux (qui n’ont pas envie de lire l’ouvrage), ils trouveront sous spolier (après la conclusion), un compte rendu, version longue.


Donc, en conclusion :
En phase avec le coup de semonce d’Aurélien Barrau dans son bouquin « Le Plus Grand Défi de l'histoire de l'humanité » (https://www.senscritique.com/livre/Le_Plus_Grand_Defi_de_l_histoire_de_l_humanite/39539087), il ne nous reste plus, à présent, « qu’à stopper net la machine à consommer qu’est devenu l’humanité, tout en cherchant activement des moyens de réparer la Terre. » Or, nous avons vu que plus la consommation augmente dans une société, plus le sens diminue. Et réciproquement, plus le sens augmente, plus la consommation diminue.
Au cours de l’histoire de l’humanité, le sens a subi plusieurs mutations. Il y a dix mille ans environ, le sens cosmique des chasseurs-cueilleurs, ce sens de la nature, des étoiles, des esprits des animaux, des divinités multiples, a cédé la place au sens social avec les premières grandes civilisations. « C’est de cette époque que l’on date les premières divinités morales, entités disant le bien et le mal […] Dès cet instant la norme morale, celle du groupe où s’incarne le sacré, est devenu le sens ultime de l’existence. » Tous les systèmes de sens, que ce soient les monothéismes moralisateurs ou le communisme totalitaire, ont fondé leurs normes sociales sur du sacré, pour les uns c’est Dieu, pour les autres c’est la société. Même pour le nazisme, le sacré c'est la race. Notre problème aujourd’hui, est que l’humanité « a perdu le sacré en déconstruisant le réel […] en découvrant que tout obéit à des lois mécanistiques où le bien et le mal n’ont pas leur place. […] Or aucun sens collectif ne peut exister sans la notion de sacré. Nous devons nous interroger sur ce que peuvent être les nouvelles formes du sacré, sous peine de disparaître purement et simplement. »


Utopie ou seule planche de salut ? Le sacré ne pourra se manifester qu’au travers du rituel ! L’humanité devra en inventer de nouveaux pour sacraliser la prévention de la planète et exalter le sacrifice du carbone comme nos ancêtres vénéraient le sacrifice d’un animal ou d’un humain. « La sacralisation de la Terre ne pourra se faire sans l’édification d’un corpus de croyance et d’actes rituels codifiés. »


Je crois bien qu’on est foutu, mes bons amis… Vouloir remplacer des religions monothéistes qui reposaient sur l’idée de transcendance selon laquelle le sacré des croyances et des commandements moraux découlait de l’omnipotence divine, par une liturgie dont « la liste des actes compatibles avec la valeur sacrée est affaire de science, de mesures et de calculs réalisés par des collectifs humains appuyés par des machines » et ce, à l’échelle mondial, me parait tout à fait irréaliste, quand bien même ce serait notre dernière chance… Car affirmer que « Nous avons besoin de croire dans un corpus de valeurs fondatrices que nous aurons nous-mêmes définies, et surtout nous avons besoin de nous reposer sur l’idée que nos conspécifiques adhèrent comme nous à ces mêmes valeurs. Ce qui va enfin apaiser notre cortex cingulaire, c’est de savoir que les autres croient dur comme fer ce que l’on croit soi-même. » C’est ignorer l’Histoire et les guerres de religions qui, cette fois, ne feront que précipiter la disparition de l’humanité… Il nous faudra succomber ou trouver autre chose. Suis-je pessimiste ou lucide ?
Les incendies, les inondations, les records de température… personne n’y croit, ou s’en fout : c’est loin. Tout le monde continue comme si de rien n’était. On est contre tous changements. On est contre, tout simplement, il suffit d’entendre les arguments des antipass, des aintvax, des antitout, et ne pensez pas qu’ils soient mal informés ou quasi illettrés, j’en connais un, parmi mes proches, qui s’est assis sur les mêmes bancs d’école que l’auteur de ce livre, c’est à désespérer…


Non, j’ai laissé murir mon texte quarante-huit heures, et je ne peux m’arrêter là. Je dois ajouter un avis perso. Je suis tout à fait en phase avec Aurélien Barrau (Si vous n’avez pas lu son livre, lisez au moins mon commentaire : https://www.senscritique.com/livre/Le_Plus_Grand_Defi_de_l_histoire_de_l_humanite/critique/194990835), il faut ABSOLUMENT réagir, dès maintenant. Et je suis d’accord avec l’analyse de Sébastien Bohler – bien que j’ignorais tout du cortex cingulaire – qui donne des explications sur l’origine du mal. Mais je ne peux le suivre dans son utopie de "religion écologiste" qui, à mon sens, est un fantasme délirant.


Si vous êtes venu voir sous le masque, c’est pour avoir quelques détails en plus. En voici quelques-uns pour presque 2500 mots :
Quand tout ne se passe pas comme prévu, une sonnette d’alarme retentit dans notre crâne : « une petite bande de cortex cérébral, localisée à quelques centimètres au-dessus du striatum, entre en action. » Le "striatum"... Cette espèce de truc qu’on a dans le crâne et qui nous drogue à la dopamine quand c’est bon ! Et bien là, au contraire, ce repli du cortex cérébral, relié au striatum, nommé cortex cingulaire antérieur, s’allume dès que les prévisions ne sont pas confirmées et émet un message d’erreur. Mais, Attention ! Un message, ça va (on s’organise), beaucoup, bonjour les dégâts ! Troubles du sommeil, dépression, anxiété, troubles de la mémoire, maladies cardio-vasculaires, diabète, j’en passe et des meilleurs !


Depuis des millions d’années, Homo évolue dans un environnement certes hostile mais relativement stable, il sait comment trouver des zones de confort pour ne pas être exposé constamment au changement afin de se construire et d’assurer la transmission. C’est pour cela que notre cerveau anticipe en permanence.
Mais aujourd’hui, le monde de l’entreprise, sous la contrainte d’un marché concurrentiel, le cerveau est confronté à une angoisse terrible : l’incertitude. Depuis que l’homme a acquis la conscience, il n’a de cesse de donner du sens à la réalité au travers de mythes et de divinités. « Encore plus préoccupées de sens, les religions monothéistes ont poussé plus loin le souci d’ordre en décrétant qu’une divinité monothéiste a tout simplement créé l’univers "ex nihilo" selon un plan résolument ordonné et profondément imprégné de sens. » La vie elle-même a alors un sens, et les accidents quotidiens deviennent dérisoires face au dessein suprême… Une expérimentation, à l’université de Toronto, a montré que lorsqu’on expliquait aux participants que le monde et l’univers obéissaient à des lois qu’il était possible de comprendre, le cortex cingulaire de ces personnes ne réagissait plus en cas d’erreur de prédiction. Tout se passe comme si « la réaction d’alerte déclenchée par le cortex cingulaire était naturellement atténuée chez les croyants, qu’il s’agisse de chrétiens, de musulmans, d’indous, de juifs, de bouddhistes ou de sikhs. » Le simple fait d’être croyant aurait pour effet de protéger des aléas de la vie !


Nous pensions que la civilisation rationaliste occidentale nous avait fourni tous les biens de consommation nécessaires pour mener une existence pleine et heureuse : des médicaments pour vivre longtemps, des machines pour se déplacer sans efforts et des moyens de distractions pour passer le temps… mais c’était une erreur : « une partie centrale de notre cerveau a mis des millions d’années à se développer pour déceler du sens autour de nous. […] Et le problème est qu’elle n’en trouve plus. » Nous avons développé un besoin de sens qui englobe les questions de la mort, de la transcendance, du soi, du bien et du mal.
Avec Homo sapiens, le cortex cingulaire a franchi un palier décisif : « Notre cerveau est équipé pour nous faire anticiper les comportements des autres, et c’est grâce à cela que nous avons réussi à survivre. » Mais il y a douze mille ans, pour la première fois, des êtres humains en croisent d’autres, totalement inconnus, dans de grands bassins d’habitation qui peuvent réunir 50 à 100 000 habitants : l’être humain découvrait l’anonymat. Comment prédire le comportement de l’autre ?


Parachuté dans un monde rempli d’inconnus, le cortex cingulaire a dû trouver une solution pour former des prédictions sur le comportement de ses semblables : le rituel.
Le cortex cingulaire est avide de rituels pour se rassurer quand une situation est perçue comme douteuse « la situation la plus favorable est celle où les rituels sont déjà disponibles et prêts à être exécutés. Soit qu’ils aient été appris par une pratique religieuse, soit que l’individu ait eu le temps d’en élaborer par lui-même. »
Évidemment, ici, je voulais glisser un mot sur Rafael Nadal, mais l’auteur l’a fait pour moi, en citant les journalistes TV qui ont relevé le rituel immuable de Rafa avant chaque engagement : « Nadal commençait par remonter l’arrière de son short, puis nettoyait rageusement la ligne avec sa chaussure, tapotait ses deux semelles avec le tranchant de sa raquette, soulevait l’épaule gauche de son T-shirt, puis la droite, puis se touchait le nez, puis l’oreille gauche, puis de nouveau le nez, puis l’oreille droite. À ce moment précis, il était prêt à servir. » Je n’aurais pas su le décrire aussi précisément ! Donc, son cortex cingulaire est rassuré, s’il loupe son engagement, il n’en sera pas traumatisé !... Attention, il ne s’agit pas de TOC, car il ne le fait qu’un seule fois (par engagement) « et cela suffit à apaiser l’anxiété suscitée par l’incertitude du point qu’il va devoir jouer contre son adversaire. »


Je vous laisse le plaisir de découvrir les propriétés de nos "neurones miroirs" qui ont une capacité unique dans la nature : « Les neurones miroirs font de nous, les humains, des imitateurs-nés. » Entre-autres, le fait de pouvoir "imiter" les gestes, attitudes ou expressions de son vis-à-vis provoque la sympathie. Alors, lorsque deux personnes, ou plus, réalisent la même séquence de mouvements, elles entrent en résonance motrice et émotionnelle. C’est la raison pour laquelle les rituels collectifs, tout en réduisant l’activité du cortex cingulaire, favorise un partage d’émotions qui renforce le sentiment d’appartenance à un groupe, exerce un effet rassurant en atténuant le sentiment d’incertitude, dans un monde peuplé de millions d’inconnus.
Et là je dois bien me poser la question de savoir pourquoi "Je déteste ça ?" Personnellement, je déteste et fuis la foule et tout rituel collectif. Pourquoi ? Parce que j’ai la terrible certitude d’y perdre mon libre arbitre, de ne plus être maître de mes pensées et de me laisser emporter dans des actions qui ne sont pas les miennes. L’effet masse est terrifiant ! Je me souviens que dans les années soixante, jeune marié, curieux, et soucieux de ne pas déplaire à ma belle-famille – et à ma jeune épouse – je me suis retrouvé sincèrement transporté par l’enthousiasme d’une foule d’aficionados en délire, dans les arènes de Bayonne alors que je suis viscéralement anti-corrida. À ma décharge, il faut dire qu’il y avait au programme « Luis Miguel Dominguín » un géant du classicisme élégant et « El Cordobés » le voyou, fou et téméraire qui faisait hurler les foules !


Bien avant la moitié du livre, on arrive au contexte de ces rituels collectifs des groupes communautaires humains. Mais je vais éviter d’en parler. Car, vous l’aurez deviné, ce livre n’est pas à mettre entre toutes les mains.
Ô toi ! mon éclaireuse préférée, si tu lis cette chronique, je te recommande très sincèrement de ne pas lire ce livre. Je connais la force de ta conviction, mais il ne faut pas tenter le Diable ! Quand le ver est dans le fruit…
Autant Richard Dawkins et son « Pour en finir avec Dieu » ne représente aucun danger pour les croyants, autant ce livre-ci est dangereux par sa calme assurance. Il y a un risque non négligeable qu’il vienne distiller un doute dans les esprits des plus convaincus, et ce serait dommage. Rien n’est plus pernicieux que le doute. Cela n’en vaut pas le peine, laissez tomber, passez votre chemin


Tout d’un coup l’auteur se prend des airs d’Émile Zola et accuse le pauvre Galileo Galilei d’avoir mis le feu aux poudres avec sa lunette… « Désormais, la raison humaine, soutenu par le formalisme mathématique, servira à explorer un nouvel ordre et un nouveau sens. » En fait, la réduction d’incertitude relative à l’ordre matériel des choses que nous a offert la science se double d’une augmentation de l’incertitude sur le plan humain : on ne sait plus prédire les intentions et les actes de nos semblables. Notre cortex cingulaire s’affole ! Il est moins apaisé par la pensée que l’univers obéit à des lois physiques que par l’idée qu’il obéit à une loi religieuse. C’est toute la différence qu’il y a entre le sens factuel et le sens moral.
Le sens n’a eu d’utilité pour la survie de notre espèce que tant que nos moyens de contrôle sur la nature étaient dérisoires, tant que nous étions "faibles", le cortex cingulaire voulant prédire et contrôler le réel, tant qu’il n’en était capable il concentrait ses capacités de prédiction sur les agissements de ses semblables. Mais dès qu’Homo sapiens a pu maîtriser son propre confort sans recours aux autres, le sens est devenu superflu, voire inutile. Malheureusement, si le sens avait disparu, nous avions conservé le besoin de sens.


Depuis un demi-siècle, que ce soit dans le travail, la famille ou le couple, tout est allé vers plus d’instabilité, il est bien difficile de prédire son avenir – notre cortex cingulaire a bien du mal à trouver la paix – en effet, aujourd’hui 87 % des embauches sont des CDD, en soixante ans le nombre de divorces annuels a été multiplié par dix et ne nombre de ruptures d’unions (mariages ou non) avant quatre ans de vie commune a été multiplié par quinze ! Tout est instable, c’est l’époque Kleenex !
Dans un monde de plus en plus incertain, apparait une incertitude supplémentaire, celle de la planète, socle jadis stable dont nul ne sait plus avec précision ce qu’il en sera demain, océans qui débordent, atmosphère irrespirable, pandémies, incendies, ouragans et tempêtes…


« Mais le sens […] est ce qui porte vers le passé et vers l’avenir, ce qui assure la continuité, ce qui murmure à notre oreille autre chose que le chaos, l’imprévisible et la consommation abrutissante. […] Nous n’avons pas à ce jour conçu de sens pour l’Amazonie comme nous l’avons fait autrefois pour Dieu et la création. Nous n’avons pas élaboré de vision du monde tournée vers la préservation de la planète, comme nos prédécesseurs ont accouché d’une vision du monde pour le salut de l’âme, la création de l’univers et la construction d’édifices sacrés. Mais ce temps viendra, et il est peut-être proche, c’est inéluctable parce que nos cerveaux confrontés à l’effondrement se replieront inévitablement sur le sens. »


Alors quoi ? Attachez vos ceintures, et vous allez prendre en pleine figure les « microcertitudes » ! Qui dit microcertitudes dit microsatisfactions. C’est un cercle particulièrement vicieux de « microsens » qui s’autoalimentent : remplacer l’absence de sens par des prédictions à court terme, comme se régaler avec un délicieux Méga-cheeseburger bien gras et juteux… qui provoque surpoids, obésité, diabète… « et impose de pressuriser l’écosystème afin de faire produire cinq tonnes de sucre par seconde et dix tonnes de viande à la seconde… » qui participent à l’épuisement de la planète. Au moins prenons de l’exercice, tournons-nous vers le sexe pour donnons à notre cortex cingulaire une microcertitude en lui offrant un bon site porno : « Derrière ces activités en chambre, des serveurs informatiques débitent environ un milliard de gigaoctets d’informations par jour pour assurer à l’humanité le visionnage de cent-six milliards de vidéos porno à l’année, libérant autant de gaz à effet de serre qu’un tiers du trafic aérien. » De sorte qu’après sa petite séance, le porn addict pourra voir ses effets dévastateurs sur l’écran de sa télé, de quoi lui donner envie de calmer son cortex cingulaire par une microcertitude en commandant un merveilleux Hamburger… ou alors, en rejoignant « les sept cent cinquante millions de toxicomanes sur terre » !...


En fin de compte, je crois bien que le sens qui nous manque le plus, c’est le sens du ridicule : dans nos sociétés d’hyperconsommation où nous disposons d’un choix monstrueux de produits, les enfants gâtés que nous sommes souffrent d’un nouveau mal : la frustration. Car si nous choisissons les cents produits qui nous font envie, sur les cent mille qui nous sont proposés, ce sont quatre-vingt-dix-neuf-mille-neuf-cents produits auxquels on doit renoncer ! Quel dilemme insupportable…
Reste l’estime de soi. L’estime de soi peut-elle compenser la perte de sens ?
Les chercheurs californiens et japonais ont constaté que les personnes rassurées très tôt sur leur valeur et leur capacité à être acceptées et aimées par leur entourage, ont une estime de soi élevée et stable. Dans ce cas elle protège de l’angoisse du rejet social et apaise le cortex cingulaire de la même façon que le fait le sens : invention autocentrée d’un monde individualiste, c’est une façon de compenser la perte de sens. Mais réciproquement, l’incertitude provoque un besoin d’estime de soi… et ce n’est pas sans danger car les moyens pour augmenter l’estime de soi sont loin d’être inoffensifs, ne serait-ce que pour l’environnement car ils se traduisent par la précipitation irréfléchie sur les biens de consommation de luxe et autres produits de marque « À défaut d’être, on se rabat sur l’avoir. »
Même motif, même punition pour l’argent. Le fait d’en avoir protège de l’angoisse et calme notre cortex cingulaire, et l’incertitude provoque le désir de s’enrichir… Et l’auteur en sait quelque chose : pendant quinze ans il a travaillé dans un cabinet financier à la recherche de jeunes entreprises de biotechnologies pour les amener à être cotées en Bourse et rapporter an cabinet un monceau d’argent en retour sur investissement et permettre à son patron – l’homme aux dents éclatantes – « qui n’avait plus assez de temps pour dépenser son argent », d’en engranger encore d’avantage ! De son propre aveu, dans ce cabinet financier, il s’était placé en situation de dissonance cognitive « La dissonance cognitive est le moyen d’endoctrinement le plus puissant que l’on puisse imaginer, car il est invisible, indolore et discret. »


Encore un "sens" qui nous échappe. Alors que faire pour ne plus se duper soi-même, ne plus penser à la réalité qui nous angoisse ? Aujourd’hui, « Il est possible de passer toute sa vie à meubler son temps, à surfer sur Internet, à papillonner sur les réseaux sociaux […] L’essentiel est de ne pas penser. » On peut même, en quelques années, faire rétrécir le volume de son cortex cingulaire (avec certains jeux vidéo, par exemple) : « Plus de conflit, plus de dissonance, plus de problème. »
Mais en ne pensant pas, on oublie qu’on participe à la destruction de la planète, des températures supérieures à 50°C, des rendements agricoles nuls, des pénuries d’eau, des migrations généralisées… « L’unique chance d’éviter que cela se produise est de renoncer dès maintenant à notre mode de vie actuel et de consacrer tous nos efforts au service de solutions d’adaptation à ces changements, » pour y parvenir on devra s’attaquer aux « quatre piliers de l’enfer » que sont la compétition, l’accélération, l’incertitude et la consommation. La compétition entraine l’accélération des moyens de production qui génère l’incertitude des individus qui consomment davantage pour apaiser leur angoisse face à ce monde.
Et là se situe la conclusion

Philou33
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le 27 août 2021

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