Parle tout bas
5.4
Parle tout bas

livre de Elsa Fottorino (2021)

Voyage au plus profond de l’intime que l’on comprend vital

Le 11 février 2005, l’auteur et narratrice, alors âgée de dix-neuf ans, est violée dans la forêt à proximité de chez ses parents. Faute d’identification du coupable, la police classe l’affaire. Mais, douze ans plus tard, alors qu’heureuse et enceinte de son deuxième enfant, elle est soudain convoquée pour identifier formellement son agresseur, interpelé dans le cadre d’une douzaine d’autres viols. Pour elle, le procès qui s’ouvre est une nouvelle épreuve, tout aussi déshumanisante, en ce qu’elle la ramène à nouveau à l’état d’objet et de corps sans âme.


C’est sous la forme d’un roman aux allures de témoignage qu’Elsa Fottorino a choisi de réécrire son histoire, dans une ultime victoire personnelle sur l’indicible et le silence. Un silence dans lequel elle s’est longtemps retrouvée emmurée, parce qu’entravée par la pudeur et l’effroi, elle n’a pu que donner le change à ses proches, eux-mêmes maladroitement soulagés de pouvoir implicitement croire la page tournée. Puisque son agresseur n’est pas allé jusqu’à la tuer, et comme elle semble avoir repris le cours normal de son existence, tout n’est-il pas bien qui finit bien ?


Pourtant, esquivée et différée, la douleur ne faisait qu’attendre son heure. Pas seulement que l’on retrouve, puis que l’on punisse le coupable, au terme d’une procédure judiciaire, en bien des aspects insupportable, qui, si elle a le mérite de faire reconnaître la gravité du préjudice, laisse encore aux victimes tout le travail sur elles-mêmes pour s’en affranchir. Mais que la narratrice parvienne enfin, dans un récit réparateur, à exprimer clairement, avant d’en faire le deuil, ce que le viol a tué chez elle, pour ensuite, plus forte de ce courage, se sentir en droit de se libérer de sa honte et de sa culpabilité, comme de l’apitoiement de son entourage.


Voyage au plus profond de l’intime que l’on comprend vital, ce roman éblouit par la beauté de son écriture autant qu’il impressionne par le courage de son auteur. S’il est une étape vers un apaisement personnel, il est aussi un témoignage bouleversant sur le poids du silence dans les mécanismes du traumatisme, et sur la complexité des sentiments et du quotidien des victimes.


https://leslecturesdecannetille.blogspot.com

Cannetille
8
Écrit par

Créée

le 18 juil. 2024

Critique lue 65 fois

2 j'aime

2 commentaires

Cannetille

Écrit par

Critique lue 65 fois

2
2

D'autres avis sur Parle tout bas

Parle tout bas
Cannetille
8

Voyage au plus profond de l’intime que l’on comprend vital

Le 11 février 2005, l’auteur et narratrice, alors âgée de dix-neuf ans, est violée dans la forêt à proximité de chez ses parents. Faute d’identification du coupable, la police classe l’affaire. Mais,...

le 18 juil. 2024

2 j'aime

2

Parle tout bas
YasminaBehagle
5

Un peu longuet et pourtant court

Peut-être que je n’aurai pas du le lire juste après celui de C.Angot. Parce que je trouve que le style est assez ressemblant, (surtout au début) avec des phrases très courtes, très descriptives. Des...

le 22 sept. 2021

Du même critique

Veiller sur elle
Cannetille
9

Magnifique ode à la liberté sur fond d'Italie fasciste

En 1986, un vieil homme agonise dans une abbaye italienne. Il n’a jamais prononcé ses vœux, pourtant c’est là qu’il a vécu les quarante dernières années de sa vie, cloîtré pour rester auprès d’elle :...

le 14 sept. 2023

19 j'aime

6

Le Mage du Kremlin
Cannetille
10

Une lecture fascinante

Lui-même ancien conseiller de Matteo Renzi, l’auteur d’essais politiques Giuliano da Empoli ressent une telle fascination pour Vladimir Sourkov, « le Raspoutine de Poutine », pendant vingt ans...

le 7 sept. 2022

18 j'aime

4

Tout le bleu du ciel
Cannetille
6

Un concentré d'émotions addictif

Emile n’est pas encore trentenaire, mais, atteint d’un Alzheimer précoce, il n’a plus que deux ans à vivre. Préférant fuir l’hôpital et l’étouffante sollicitude des siens, il décide de partir à...

le 20 mai 2020

17 j'aime

7