On a l'impression de le connaître depuis très longtemps mais pourtant Arnaldur Indridason n'est connu en France que depuis 2005 et La cité des jarres (sans doute son meilleur livre). Ce sentiment de familiarité est sans doute dû à la fréquence de ses publications mais aussi au climat qu'il a réussi à installer, roman après roman, et notamment, impossible de ne pas y faire allusion, dans la série du commissaire Erlendur Sveinsson que Indridason a décidé d'abandonner avant de s'attaquer à une trilogie prenant pour cadre l'occupation américaine en Islande du temps de la deuxième guerre mondiale. Assez bizarrement, son dernier volet (en France) est le premier paru en Islande mais cela n'a que peu d'importance dans le sens que les trois romans, qui ont un véritable air de famille, peuvent être lus indépendamment les uns des autres. Sur la forme, il n'y a guère de surprises dans Passage des ombres : une double intrigue à des années de distance dont une, en 1944, mettant en scène soldats américains et jeunes femmes islandaises ; des révélations progressives et toujours un temps d'avance du lecteur sur les enquêteurs ; des dialogues qui constituent toujours la faiblesse des livres de l'auteur, pas très bien écrits et souvent construits de la même façon (la personne interrogée, après des dénégations, finit toujours par avouer quelque chose). C'est cependant assez efficace car Indridason a du savoir-faire et sait distiller ses informations au fur et à mesure de manière à ne jamais laisser tomber la pression. Mais relativement convenu tout de même et sans la profondeur psychologique qui caractérisait la plupart des polars "erlenduriens". En revanche, la thématique historique est passionnante dans la façon dont l'aborde l'auteur avec l'irruption brutale de la réalité du monde (avec l'occupation britannique puis américaine) dans une île jusqu'alors peu ouverte vers l'extérieur et avec des relations sociales bâties en partie autour de mythes et légendes. Pour beaucoup d'islandais, ces années 40 marquèrent une sorte de perversion de leur innocence originelle et c'est ce thème qui semble désormais hanter Indridason, et plus particulièrement dans cette Trilogie des ombres.

Cinephile-doux
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes livres de 2018

Créée

le 22 juin 2018

Critique lue 212 fois

1 j'aime

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 212 fois

1

D'autres avis sur Passage des Ombres

Passage des Ombres
JulienCoquet
7

Tu diras que c’était les elfes

Le dernier tome de la Trilogie des ombres nous permet de retrouver Flovent et Thorson qui enquêtent cette fois-ci sur le meurtre d’une jeune fille dont le corps a été retrouvé derrière le Théâtre...

le 16 juin 2021

1 j'aime

Passage des Ombres
Cinephile-doux
6

La perversion de l'innocence originelle

On a l'impression de le connaître depuis très longtemps mais pourtant Arnaldur Indridason n'est connu en France que depuis 2005 et La cité des jarres (sans doute son meilleur livre). Ce sentiment de...

le 22 juin 2018

1 j'aime

Passage des Ombres
arizona54
7

Fin de la trilogie des ombres

J'ai suivi avec intérêt ces enquêtes se déroulant à plusieurs dizaines d'années de distance. Je ne savais pas que l'Islande avait été occupée par les Anglais et les Américains pendant la guerre.

le 17 janv. 2021

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13