Nous sommes sur Pollen, on ne sait pas combien de temps après notre ère mais plusieurs centaines d'années certainement car Pollen est peuplée d'humaines qui sont les descendantes d'une exode depuis la Terre, qui apparemment est devenue inhabitable.
Sur Pollen, les naissances sont contrôlées pour faire naître 1 garçon pour 2 filles. Cette société matriarcale est expliquée par le fait que si leurs aïeules ont détruit leur ancienne planète c'est à cause de la violences des hommes (des mâles), de leur soif de pouvoir et de leur cruauté. Donc, pour anéantir la violence, il faut que les hommes soient minoritaires. La vie sur Pollen est douce, prospère, il ne fait jamais trop chaud ni trop froid, les maisons sont des arbres-nids confortables, il n'y a pas de crimes, les humaines peuvent s'épanouir comme bon leur semble.
On pourrait appeler cette histoire une "presqu'utopie" car, vous vous en doutez, sous cette idylle se cache beaucoup d'autres violences. La volonté de l'auteure est de montrer qu'un extrême ou l'autre ça ne marche pas, patriarcat ou matriarcat, il y a toujours des personnes opprimées, ce qu'il faut c'est l'égalité.
En général je n'aime pas trop les inversions des oppressions systémiques, quand c'est simplement retourné "hop", remplacer juste le mot "femmes" par "hommes" et c'est bon. Mais ici c'est fait très subtilement, effectivement un matriarcat est bien différent d'un patriarcat, il y a plus d'écoute, plus de place aux concessions et oui, sacrément moins de violences. Même si les hommes n'ont pas accès à la politique ou à certains postes de pouvoir, beaucoup de femmes se battent à leurs côtés pour réclamer l'égalité, ce qui n'est pas juste un inversement des luttes féministes où l'ont ne retrouve quasi que des femmes. Sur Pollen, elles sont minoritaires à vouloir garder l'ordre établis, elles sont majoritaire à accepter de questionner leurs privilèges et à pourquoi pas y renoncer pour faire place à une société paritaire. Ce qui n'est toujours pas gagné avec le patriarcat.
Malgré ce discours globalement pour l'égalité, j'ai sentit que l'auteure s'est laissée allée dans quelques délicieuses remarques misandres prononcées par des "Radicales", qui me font rigoler et font du bien aussi de temps en temps!
Autour de Pollen tourne un satellite qui s'appelle le Bouclier, sur lequel est encore établie un modèle archaïque, patriarcal, avec les femmes qui ne travaillent pas, font à manger et s'occupent des enfants. On voit que ça ne marche pas, il y a énormément de violences et de souffrance, les hommes se battent, sont des guerriers, se violent entre eux... L'auteure met en comparaison les deux systèmes, aucun des deux n'est parfait, même si on a clairement plus envie de vivre sur Pollen, elle prône encore une fois l'égalité.
Pour un roman écrit dans les années 80, je trouve ça très novateur, à une époque où les femmes sont très peu valorisées dans la SF, encore moins française, d'écrire une histoire ouvertement anti-patriarcale, avec une pointe d'humour misandre, où même la langue est modifiée (le féminin l'emporte sur le masculin tout au long du livre), alors que le féminisme est encore marginal et limite insultant j'admire l'audace ! Ce genre d'histoire est facile à écrire maintenant, mais beaucoup moins il y a 40 ans.