Eros et Thanatos
En 130 pages, Jean-Baptiste Del Amo offre une prose d'une richesse et d'une poésie inouïes. Le roman ?, récit ?, poésie ?, journal intime ?, opère une boucle temporelle en état...
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le 24 août 2021
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En 130 pages, Jean-Baptiste Del Amo offre une prose d'une richesse et d'une poésie inouïes. Le roman ?, récit ?, poésie ?, journal intime ?, opère une boucle temporelle en état d'apesanteur et s'achèvera comme il a débuté.
La ville supposée située en Amérique du Sud, _ on y parle espagnol _, au bord de la mer, est la matrice possessive qui englue dans ses rets les personnages. Elle est une sorte de rôle principal fatal, organisme malade et barbare en état de décomposition, offrant sans signe de fatigue son sempiternel ravage dont ses habitants sont les victimes ambiguës. Il s'y joue le théâtre des illusions, les faux semblants, les petits arrangements. Cette ville douée de parole, les aboiements des chiens et les martèlements des congas est la sépulture finale, sans ailleurs possible, ou alors elle se venge.
Le narrateur, deuxième personnage d'importance, par qui le récit se construit a des relations humaines d'une sensualité crue, animale. Les sensations sont extrêmement détaillées. Dans ces rapports humains, il y ceux qui donnent le plaisir, sans forcément en avoir, quoiqu'une équivoque demeure, et ceux qui le reçoivent. Somme toute des relations commerciales. Le récit est émaillé de moments d'un érotisme brutal, pratiqué aux yeux du monde, dans la plus totale impudeur.
Ce narrateur désirant mais flottant, semble épouser le délabrement physique de la ville. L'hébétude qu'il connaît lui permet d'accéder à une acuité extrême du regard. Il vit dans un espace-temps dilaté, temporellement confus ou la réalité, le passé et le présent se mélangent et se confondent. Il semble subir et non véritablement choisir les événements qu'il vit.
Les autres personnages sont évoqués dans des paragraphes à longueur variable, à la fin souvent tragique. Une description d'entomologiste saisit ces corps magnifiés, mais aussi souvent souillés, martyrisés, mutilés. La mort est une constituante importante de l'ensemble sous diverses formes; la fable du giton gisant pourrait en être la parabole, citant avec fierté 'Le dormeur du val" d'Arthur Rimbaud.
Il y a également des courts paragraphes narrant des faits divers sordides, qui tombent comme des couperets.
Cette écriture précise et extraordinairement poétique, constituée d'une belle langue, la richesse incroyable du vocabulaire, finit par faire émaner une dimension cosmique et onirique.
Chapeau l'artiste !
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le 24 août 2021
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