Le livre de Sylvie Brunel prend le contre-pied de la doxa en défendant l’agriculture conventionnelle, les pesticides, les OGM et même l’élevage en batterie. En effet, l’autrice fusille la vision romantique et esthétique des citadins vis-à-vis de l’agriculture et adopte un paradigme pragmatique, économique et froide : « L’agriculture d’hier nous attendrit. Elle est le vestige d’un monde disparu dont nous adorons la théâtralisation : les mini-fermes pour les enfants, les chaudrons des nougatiers, la cueillette à la ferme, les gîtes ruraux… Tous procurent des moments merveilleux à vivre en famille. Mais si nous pensons qu’ils vont suffire à assurer les besoins alimentaires de l’humanité, nous commettons une grave erreur. »
En effet, une des problématiques majeures pour l’avenir, selon l’auteur, est de nourrir la population mondiale : « La demande alimentaire mondiale s’accroîtra de moitié d’ici 2050 et les deux tiers de cette demande viendront de l’Asie et de l’Afrique. » Elle envoie à ses lecteurs une belle claque de réalité, en dénombrant les enjeux d’une production à grande échelle et pérenne.
Néanmoins, son argumentation est parfois entachée par l’usage intempestif de sophismes. Par exemple, à propos de l’intérêt grandissant de la population envers l’alimentation et la montée de l’inquiétude vis-à-vis des produits phytosanitaires, elle réplique « En passant au crible chacun de nos gestes, de nos pratiques, nous serions horrifiés par tous les risques auxquels nous nous exposons. La vie est une maladie mortelle. Naître, c’est devoir mourir. ». Selon elle, donc, mieux vaut ne pas se faire de bile et ingérer tout ce que la grande industrie propose, puisque nous mourrons quoi qu’il arrive ?
Elle semble aussi tout à fait en faveur de la mondialisation et de l’internationalisme : la France devrait régler son mode de production pour nourrir le monde. Il aurait été appréciable qu’elle se penche sur une vision plus nationaliste et protectionniste, en se demandant comment l’agriculture française se porterait avec une politique plus protectionniste avec une perspective de souveraineté alimentaire (sans cesser totalement les échanges internationaux évidemment).
Malgré ces remarques, le livre reste bon car il est déroutant, dépaysant (jeu de mot 1), force à la remis en question, tant il est inconventionnel de nos jours de défendre l’agriculture conventionnelle (jeu de mot 2) !