Ce n'est certainement pas le livre de Claude Michelet que je préfère. Cependant, il n'est pas sans intérêt. D'abord, il est écrit en 1982 alors que Michelet est en train d'élargir sa palette de romancier. Ancien agriculteur en Corrèze, il ne s'intéresse plus seulement à une famille à travers une saga comme dans "les gens de Saint-Libéral" mais à l'agriculture et aux paysans d'une façon générale. Il s'intéresse aussi à des paysans partis ailleurs chassés par la misère ("Sous le soleil des Andes") et plonge dans l'Histoire pour y retrouver d'autres racines et d'autres paysans ("les déchiffreurs d'éternité). C'est un peu le cas dans "Rocheflame" qui est le nom moyenâgeux d'un lieu-dit dont le nom ne plaisait pas aux révolutionnaires de 1789 qui se sont empressés de le transformer en Rocsèche jusqu'à aujourd'hui.
La construction du roman est particulière. Michelet évoque une crise dans un couple d'agriculteurs de Rocsèche qui ont toutes les peines du monde à rentabiliser leur ferme malgré leur travail harassant. Elle, elle voudrait quitter ces lieux de misère pour aller vivre normalement, à la ville et y trouver un travail salarié pour chacun d'eux. Lui, il veut à tout prix défendre encore et encore la vie à la campagne et sa liberté dans l'espoir d'une possible amélioration de leur sort. Entre eux, se dresse le manuscrit d'un roman qu'il écrit sur la même ferme mais aux temps moyenâgeux de Rocheflame où, fictivement bien entendu, il imagine que le paysan d'alors, un manant, avait à défendre sa maison, cette fois, contre le noble du coin, tout-puissant, qui voulait la lui reprendre pour y loger ses maîtresses. Comme les choses ne sont jamais simples, le paysan doit lutter contre le noble mais aussi contre un "j'teu de sorts", particulièrement malveillant.
Roman intéressant car il sent le vécu et le terroir dont on ne peut s'échapper sans le sentiment d'une vraie trahison face à soi-même et à la terre.
Roman original dans son élaboration. Mais que l'alternance entre les deux époques, entre finalement, deux romans imbriqués l'un dans l'autre, peut gêner.