Ah, j'imagine bien la gueule du service presse quand Bello leur a vendu le synopsis : "alors les gars, ce livre s'intéresse au Life settlement, à savoir la vente d'assurances vie par leur souscripteur de leur vivant". Ce sujet est tellement peu romanesque qu'il vaut à lui seul une ou deux étoiles.
Pourtant Antoine Bello, c'est l'auteur des Falsificateurs et suites. C'est à dire l'auteur d'une trilogie des plus romanesques. Ce n'est pas notre sujet ici, même si je ne saurais trop vous conseiller de vous plonger dedans, c'est formidable.
Bref, le Roman américain analyse le Life settlement à travers deux prismes, celui du journalisme et celui du roman. Deux amis discutent du sujet : Vlad, journaliste économique qui publie une série d'articles sur les tenants et aboutissants de la vente d'assurances vie en s'appuyant sur l'exemple de Destin, petite ville de Floride, et Dan, écrivain à peu de succès qui vit à Destin.
Le livre alterne donc entre articles de Vlad, journal intime de Dan et échange de mails entre les deux "narrateurs". Au centre, la problématique posée par le Life settlement : vous souscrivez une assurance vie (ce qui correspond plutôt à une prévoyance de notre côté de l'Atlantique si j'ai bien compris), payez mettons 50 $ par mois contre une prime de 500 000 $ qui sera versée à votre mort à des bénéficiaires que vous désignez. Mais voilà que vous n'avez plus les moyens de payer l'assurance, crise oblige, ou qu'une maladie vous impose d'importantes dépenses dans un pays où la couverture santé est loin d'être universelle. Bilan : soit vous arrêtez de payer l'assurance, et vous perdez l'avantage de la prime, soit vous revendez l'assurance à un organisme qui vous verse une partie de la prime tout de suite, paye les 50 $ à votre place et touche le jackpot à votre mort. Palpitant, n'est-ce pas ? Pourtant, d'un point de vue économique et sociétal, c'est très puissant, et ça engage tout un tas de questions, morales notamment. Un seul exemple, que j'ai trouvé particulièrement révélateur : que se passe-t-il si c'est votre entreprise qui rachète votre assurance vie ? Et bien vous devenez plus intéressant mort que vivant financièrement parlant. Voilà qui pose question tout de même.
Ajoutez à cela une jolie falsification littéraire, signature de Bello et un très sympathique twist final, et on obtient un roman hors norme, assez exigeant et relativement peu palpitant. Une intéressante découverte tout de même.