Cette critique ne concerne que la trilogie "la fosse aux vents" qui fait partie des "romans maritimes" et ne parlera pas des autres (excellents) romans qui feront l'objet de critiques séparées
Roger Vercel est un romancier de la première moitié du XXème siècle. De la première guerre mondiale, il a tiré quelques romans dont "Capitaine Conan" dont Tavernier en a tiré un excellent film mais la majeure partie de son œuvre repose sur des romans où la mer joue un rôle de premier plan. Un de ces romans est "Remorques" que Grémillon a adapté en 1941 mais celui, objet de cette critique, est la trilogie "la fosse aux vents".
Ce qui est remarquable, c'est qu'il n'a jamais été un professionnel de la mer mais, habitant Dinan, il en était passionné et s'était beaucoup documenté auprès des marins qu'il rencontrait et côtoyait régulièrement. D'ailleurs, sachant ça, c'est assez bluffant de le voir décrire de façon très convaincante, avec force détails, la technique de la voilure et de la conduite de ces grands voiliers. La force de Roger Vercel est, étant un intellectuel, un enseignant au collège de Dinan, d'avoir pu approcher tous ces rudes terre-neuvas et les faire se raconter.
Jean Charcot, l'explorateur polaire renommé, croyait, dit-on, en la réincarnation. Il avait un jour affirmé à Roger Vercel qu'il avait dû, dans une vie antérieure, commander un trois-mâts.
La fosse aux vents est donc une trilogie comportant 3 romans : "Ceux de la Galatée", "La peau du diable" et "Atalante".
On est dans l'univers fameux des cap-horniers. Pour ce qui concerne ces trois romans, Vercel a commencé par établir en 1941 un court texte "torcheurs de toile" qui constitue le plan des trois romans qui seront publiés plusieurs années après, à partir de témoignages, de documents divers et surtout d'un cahier et d'un livre de bord d'un certain capitaine Briand qui sera transformé en Pierre Rolland…
On peut parfaitement lire ces romans de façon indépendante. Le fil rouge est un personnage, Pierre Rolland qu'on voit évoluer de simple gabier dans le premier roman à capitaine de bateau dans le dernier.
Dans le premier roman, "Ceux de la Galatée", le jeune gabier Pierre Rolland prend en grippe un adolescent, Barquet, placé dans le bateau comme mousse par ses parents un peu par faveur. Pierre Rolland est un excellent matelot, dur à la tâche, mais prompt à se mettre dans des états pas possibles lorsqu'il est à terre et dont la patience n'est pas la première qualité. Mais le second du bateau a décelé chez Rolland de la graine de chef. Et il ne se trompe pas car le jour où Barquet tombe à l'eau en plein Cap Horn ou encore que tout menace, Rolland se révèle bien plus qu'un matelot…
Dans le deuxième roman, "la peau du diable", Pierre Rolland est maintenant second sur un quatre mâts qui part en Nouvelle Calédonie charger du minerai de nickel. Mais le capitaine est très gravement malade et laisse une partie du commandement à Rolland qui ne profite pas de la situation. Une relation d'amitié profonde et respectueuse liera les deux hommes.
Le troisième roman, "Atalante" voit désormais Pierre Rolland comme capitaine d'un quatre-mâts appareiller de San Francisco. De retour en France, il est invité au mariage de la sœur de son officier en second et rencontre Geneviève. C'est le coup de foudre. A peine mariés, il doit repartir mais c'est un crève-cœur. Geneviève embarque avec lui sur l''Atalante…pour le meilleur et pour le pire.
Ces romans de vie et de mort, de victoires et de défaites, de combats rudes contre un élément terrifiant, la mer, se lisent pratiquement sans pouvoir lâcher le livre. Ils sont écrits dans un français simple et direct. On sent, à chaque ligne, l'immense empathie que pouvait avoir Roger Vercel vis-à-vis de ces gens, pour la plupart, très modestes mais qui ne plaignaient jamais leurs efforts. Vercel n'hésite pas non plus à faire partager les moments de joie ou d'humour qu'il pouvait y avoir à bord après avoir essuyé une tempête ou un gros grain ou encore par temps calme.
Cette trilogie, la fosse aux vents, est l'ouvrage le plus représentatif de Vercel. Je ne dis pas le meilleur car tous les romans sont aussi bons…
Pour info, Omnibus a réuni dans un gros livre, dix des romans maritimes de Vercel. Et le livre contient d'intéressants documents techniques sur les bateaux, la navigation, la voilure, un glossaire fort utile, etc …