Romy
9.1
Romy

livre de David Lelait ()

Rares sont les titres qui me frappent réellement avec une puissance qui ne faiblira pas avec le temps. Peut être parce qu'en l'occurrence, ce livre est plus qu'une biographie d'une des comédiennes que j'admire par dessus tout.


Le titre est parmi les seuls à être aussi bref tout en étant aussi évocateur puisque reflétant totalement cet ouvrage qui réussit de façon admirable à cerner exactement l'indéfinissable et à définire à la perfection l'insaisissable: ce qui fait la singularité de Romy parmi plus que les stars, les icônes, car s'il y a une chose dont je ne doute pas avec quelqu'un d'aussi imprévisible c'est qu'elle restera toujours Romy.


Par ailleurs, il n'y a, sans doute que lui pour symboliser le mieux l'unique résonance de jeu comme de personnalité entre ma Romy et moi ; le livre qui lorsque je le lis, fait rejaillir tout ce que je ressentais. Il me rappelle à quel point j'adore l'observer jouer ou plutôt dévorer chaque millimètre de pellicule de ses films, et sans modération, s'entend, car L'important c'est d'aimer. En tournant les pages de cet ouvrage, il me revient sans cesse à l'esprit que je suis émue aux larmes en écoutant l'allemand chantant de son pays natal, que, par un sombre jour de mars 1938, elle a perdu avant de le connaître ou son français mâtiné d'un charmant et inoubliable accent venu d'outre-Danube, qui me transporte l'espace d'un instant dans la fière et enchanteresse Bavière, qui m'est tout aussi chère qu'à elle.


Mon côté auteur/artiste parlera en premier disant que puisqu'il faut bien un début, mon Histoire simple de romyphile se perd quelque part entre un plongeon dans La Piscine et un soir de Crépuscule des dieux, révélant, derrière la Sissi avec laquelle j'ai grandi, la magistralement fascinante autant que viscontiniennement "Lys Noir" Elizabeth d'Autriche-Hongrie au destin étonnamment et tragiquement parallèle avec son interprète. Pour autant, je ne laisserais pas de côté ma sensibilité car c'est justement là que se trouve pour moi tout le génie de la petite Autrichienne adoptée par la France : au-delà même de l'indissociabilité de la femme et de l'icône, on trouvera une aura portée entièrement par son hypersensibilité. M'est, alors apparu, en Plein Soleil, que l'admiration n'était avec Rosa après tout qu'une autre forme d'affection.


Or derrière cette affection, se trouve précisément la raison pour laquelle rares sont les comédiennes qui ont pu me toucher aussi profondément que la grande Romy Schneider, impératrice du 7e art, qui dans sa modestie tout aussi impériale que son talent voulait être simplement Rosemarie Magdalena Albach. Sensibilité répondant à sensibilité, c'est, logiquement, en vivant Les Choses de la vie ou en rencontrant Max et les ferrailleurs que je me suis demandée Qui était ma mère spirituelle : la comédienne artistiquement libre et adepte de la provocation se fondant, indifféremment, dans la peau de La Califfa, d'un membre du Trio Infernal , de l'un des Innocents aux mains sales et portant les prophétiquement poignants Clair de femme et La Mort en direct ou la comédienne politiquement engagée, qui cherche à se laver d'une douloureuse culpabilité rétrospective en incarnant tour à tour une juive allemande fuyant la persécution en Train, la martyre innocente du Vieux fusil vouée à L'Enfer des exactions nazies qui hante toujours ma mémoire à la manière d'un Fantôme d'Amour, la Femme à sa fenêtre et La Passante du Sans-Souci qui, pour une fois, laisse tomber les masques pour être elle-même. Plus probablement, est-ce la femme elle-même. Et, à y regarder de près, ce ne sont là que les facettes d'un même engagement : prouver par Un combat dans l'île ou un Assassinat de Trotsky aux Allemands qui la réduisent à des rôles de Mademoiselle Ange qu'elle existe pour un autre registre de jeu et qu'il ne faut pas se jouer de son honneur de comédienne, quitte à devoir s'y obstiner si on ne l'entend pas et quelles qu'en soient les conséquences. Pour un Français, c'est précisément la raison pour laquelle elle sera du côté des Vainqueurs et que, quand bien même elle s'est éteinte prématurément le 29 mai 1982, elle continuera éternellement à briller dans le cœur des cinéphiles, au grand dam de nos amis d'outre-Rhin qui voudraient retrouver leur charmante Mam'zelle Cri-Cri et n'ont que faire de La Banquière ouvertement anti-conventionnelle qui finit en Garde à vue dans un obscur commissariat de la Manche.


Outre, ses combats, j'avouerai volontiers me reconnaître dans ses faiblesses, ses contradictions et dans ses parts d'ombre - en espérant que l'on ne m'en fasse pas Le Procès - mais surtout dans sa tendance spleen germanique, son entêtement et ce manque de confiance permanent quoi qu'infondé qui me la rendent adorable. Pour toutes ces raisons, je n'aurai jamais assez de mots pour dire mon affection à une compatriote de cœur ou bien pour saluer l'extraordinaire artiste qu'elle est , ni même pour exprimer ma reconnaissance à son égard pour avoir voulu se rapprocher de ma communauté, alors que c'était mal accepté.


Allusion au surnom du personnage de Romy dans César et Rosalie de Sautet, ainsi qu'au nom de scène qu'elle voulait prendre, en hommage à sa grand-mère , l'actrice de théâtre Rosa Albach-Retty

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le 21 oct. 2018

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Louve d'Avalon

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