Eh bien, voilà, plus de cinéma. Renvoyé aux calendes grecques. Il ne me reste plus que les bouquins à chroniquer, et l'acte culturel - si je puis m'exprimer ainsi - est plus long et généralement moins ramassé dans le temps. Ce qui ne manque pas et ne manquera pas de réduire la fréquence de mes contributions à ce site. A fortiori avec Rosewater, qui n'est pas simple à lire.
Pensez-donc : deux histoires, qui si elles ont le même personnage principal, Karoo, sont décalées d'une dizaine d'année (plus au début, mais l'écart se resserre vite). Dont les fils sont entrecoupés d'interludes, certes brefs, qui évoquent les tribulations de Karoo pendant la dite dizaine d'année. Et, pour couronner le tout, un parti-pris narratif de ne pas dévoiler d'un seul coup d'un seul le monde de notre seconde moitié de siècle qu'a imaginé Thompson. Que le lecteur découvre donc par petites touches; mais comme il s'est quand même passé pas mal de choses depuis 2020, disons que tout ne saute pas aux yeux d'emblée. Il n'est pas inutile de s'accrocher un peu, quoi.
C'est en même temps une construction que l'on pourrait qualifier d'intelligente, car accrocheuse. Au fur et à mesure de la lecture, quand on commence vaguement à piger certains trucs, on a évidemment envie de continuer pour en savoir plus. Et on est d'ailleurs exaucé en fin de bouquin. Fin de bouquin qu'on a d'autant plus envie d'atteindre qu'en milieu de roman, nos deux histoires de dix ans d'écart commencent à s'emballer un peu, alors que c'était tout de même un peu mou du genou au début.
On va ainsi se balader dans la xénosphère avec Karoo. C'est une sorte de réseau télépathique, un genre de mix entre jeu vidéo (les personnages ont des avatars, lol) et méandres de l'inconscient (Thompson est psychologue de formation), qui est d'ailleurs expliqué de manière tout à fait convaincante lors des révélations finales qui concluent le bouquin. Bon, ça n'ajoute pas en simplicité, mais, je l'ai déjà dit, Rosewater, c'est compliqué. D'autant qu'on est également la plupart du temps dans le monde réel ou IRL si l'on veut. Fort heureusement, le lecteur sait à peu près à tout moment dans quel monde se trouve Karoo. Il faut dire que sinon, ça serait carrément illisible dans un temps raisonnable.
Pour qui est prêt à s'accrocher, c'est quand même un bon bouquin. D'abord par l'imagination dont fait preuve l'auteur, aussi par sa construction, comme je le disais un peu plus haut, qui est bien fichue. Le (ou devrais-je dire les) scénario est plutôt réussi et sublimé par une belle histoire d'amour. Enfin, le côte africain (Nigeria) est original, bien développé, et apporte une touche inhabituelle à un genre qui installe souvent ses romans dans un cadre étasunien. Et du coup, je ne dévoilerai pas ici le fin mot de l'histoire, pour ne pas décourager les vocations.
Rosewater est d'ailleurs le premier tome d'une trilogie éponyme. Commande de l'éditeur ou construction pensée initialement par l'auteur ? Je ne sais, mais je vais, quoiqu'il en soit, respirer un peu avant d'envisager la lecture de la suite...