Ce livre est initialement paru en 2015, sous le titre The Sociology Book. Il a été rédigé par 6 auteurs : Christopher Thorpe (sociologue, docteur en sociologie à l'université d'Aberdeen), Chris Yull (sociologue, et maître de conférences à l'université Robert Gordon d'Aberdeen), Mitchell Hobbs (docteur en sociologie des médias, et maître de conférences au département des médias et des communications de l'université de Sydney), Megan Todd (docteur en sociologie et maître de conférences en sciences sociales à l'université du Central Lancashire), Sarah Tomley (auteure, éditrice et psychothérapeute), Marcus Weeks (enseignant, auteur, musicien).
Cet ouvrage se présente comme les autres de la collection. Il commence par des petites phrases sur la couverture, pour attirer l'attention du lecteur potentiel. Les auteurs sont rapidement présentés en 2 phrases chacun, en 1 seule page. Le sommaire expose le découpage de l'ouvrage en 8 chapitres, avec la liste des sociologues retenus pour chacun, et la citation afférente. L'ouvrage passe en revue 88 sociologues. Le découpage en chapitre est le suivant : (1) Les fondements de la sociologie, (2) Les inégalités sociales, (3) La vie moderne, (4) Vivre dans un monde global, (5) Culture et identité, (6) Travail et consommation, (7) Le rôle des institutions, (8) Familles et sexualités.
L'ouvrage entre dans le vif du sujet avec une introduction globale de 4 pages. Puis chaque chapitre se présente de la même manière. Il comprend une introduction de 2 pages, ornée d'une frise chronologique sur les théories sociologiques les plus marquantes. Ensuite chaque sociologue a le droit à une entrée d'une longueur variant entre 1 page, 2 pages, 4 pages, ou 6 pages. Chaque entrée comprend au moins un petit logo censé évoquer le concept de la pensée (une sorte de repère visuel), une colonne relative à la lignée de ce courant de pensées (2 ou 3 sociologues l'ayant inspiré, et 2 autres l'ayant repris), une rubrique Voir Aussi (renvoyant à des entrées de l'ouvrage relatives à des sociologues connexes à la théorie développée). Le titre est constitué de la citation, avec le nom et la dates de naissance (éventuellement de mort) du sociologue. Vient ensuite le texte exposant sa théorie, ornementé soit d'une autre citation, soit d'une photographie pour illustrer son propos. Pour les entrées de 2 pages ou plus longue, se trouvent également une courte biographie du sociologue, un schéma articulant son raisonnement, d'autres citations et éventuellement d'autres photographies.
L'ouvrage se termine avec un répertoire recensant 36 autres sociologues ayant contribué au développement de cette discipline, ainsi qu'un glossaire de 94 termes, un index et les crédits photographiques.
Même s'il a déjà lu des ouvrages de la même collection, le lecteur ne sait pas précisément à quoi s'attendre dans celui-ci. En effet à moins d'avoir déjà étudié ce domaine, il n'est pas si facile que ça de citer au débotté 3 noms de sociologues passés à la postérité. Il commence par constater que de nombreux sociologues cités sont encore en vie, ce qui tranche par rapport aux ouvrages de la même collection consacrés à la philosophie, aux sciences ou même à la psychologie. Il constate également que certains chapitres présentent des théories émanant d'un continent en particulier, voire d'un pays, comme c'est le cas pour Les inégalités sociales, chapitre très axé sur le cas particulier des États-Unis. Néanmoins au fil des chapitres, des sociologues de différentes nationalités sont présentés, finissant par effacer cette impression de focalisation sur un pays aux dépens des autres.
Le premier chapitre permet de retrouver les pères fondateurs de cette discipline, dont les plus célèbres comme Karl Marx, Émile Durkheim, Max Weber. En lisant leurs citations choisies par les auteurs, le lecteur se fait une idée du domaine recouvert par cette discipline qu'il ne connaît peut-être pas du tout. En particulier celle de Pierre Bourdieu permet de mieux saisir l'intention : La fonction de la sociologie, comme de toute science, est de révéler ce qui est caché. Avec cette petite phrase en tête, le lecteur peut apprécier chaque démarche présentée, quel que soit le domaine de la sociologie abordé. Les auteurs présentent dans ce premier chapitre les 8 autres théoriciens qu'ils estiment être les fondateurs de la sociologie : Charles Wright Mills, Michel Foucault, Adam Ferguson, Auguste Comte, Harriet Martineau, Ferdinand Tonnies, Harold Garfinkel, Judith Butler.
Comme pour les autres ouvrages de cette collection, la forme retenue rend la lecture plus ludique. Le lecteur peut se focaliser d'abord sur la citation mise en exergue qui peut susciter différentes réactions chez lui : une adhésion totale, une incompréhension totale, l'impression de lire une banalité, ou encore la formulation d'une idée idiote. Afin de respecter le masque de présentation de la collection, les auteurs ont conservé le principe d'une illustration en début d'article (pas très parlante), d'un encadré dans lequel apparaît le thème de la théorie développé (pas très utile parce que différent pour chaque entrée), et de références à d'autres auteurs (parfois redondantes parce que cités dans le corps du texte). Par contre, la formalisation de la synthèse de la pensée sous forme de diagramme s'avère très parlante pour en comprendre ou en retenir l'articulation.
Assez rapidement, le lecteur se rend compte que cet ouvrage présente d'autres particularités formelles par comparaison avec les autres de la collection. Ce n'est pas le seul à être construit par chapitre thématique. Par contre c'est l'un des seuls dans lequel un individu peut être présent dans plusieurs chapitres, par exemple Max Weber dans le chapitre Les fondements de la sociologie, et aussi dans le chapitre Travail et consommation, pareil pour Karl Marx. À nouveau, le lecteur prend conscience qu'il s'agit d'un domaine de la science encore jeune ce qui explique que les auteurs aient dû recourir plusieurs fois aux mêmes penseurs. Il observe également que les auteurs ont tenu à souligner à plusieurs reprises la remise en cause des thèses exposées. Régulièrement, ils commencent par exposer la thèse d'un sociologue, et il termine l'entrée en indiquant sur quels points elle a été remise en cause par d'autres sociologues. Parfois il observe comment 2 sociologues se complètent : par exemple Margaret Mead (La différence entre les sexes est un artefact culturel) et Adrienne Rich (L'hétérosexualité est une institution comme les autres). Parfois, il constate que 2 chapitres à suivre exposent des théories inconciliables, par exemple Harry Braveman expliquant qu'à machines plus sophistiquées travailleurs moins qualifiés, et Robert Blauner estimant que l'automatisation accroît le contrôle du travailleur sur sa tâche. Contre toute attente ces points de vue divergents n'agacent pas le lecteur, mais le conforte dans la complexité du monde.
En mettant en avant des théories incompatibles, les auteurs vont dans le sens de la démarche de la sociologie. Dès le départ, ils expliquent que la sociologie se nourrit de plusieurs autres domaines de connaissance, comme l'Histoire, l'économie, l'ethnologie, la biologie, la psychologie, la philosophie, les sciences physiques. Ces différentes associations conduisent à une description de la société à partir de multiples points de vue, embrassant pleinement la pluralité irréductible du monde moderne. Le lecteur peut aussi repérer quelques éléments s'apparentant à une progression plus classique dans ce domaine, comme par exemple la lutte des classes théorisée par Karl Marx, complétée et développée par d'autres approches ultérieures.
Au fil des chapitres, le lecteur apprécie la qualité de la vulgarisation de cet ouvrage. Cela s'applique aussi bien aux concepts banalisés dans la culture moderne, qu'aux concepts plus pointus. Le lecteur (re)découvre le principe de base du fonctionnalisme exposé par Émile Durkheim, la vocation pour l'être humain de travailler du point de vue puritain (du même sociologue), la religion comme étant l'opium du peuple, exprimée par Karl Marx, l'hérédité sociale (Les enfants d'ouvriers obtiennent des boulots d'ouvriers. - Paul Willis). Il retrouve également des concepts dont le nom est passé dans le langage courant, comme la macdonaldisation (George Ritzer) ou la disneyisation (Alan Bryman), ou encore le fait que certains commettent des délits parce qu'ils répondent à une situation sociale (Robert King Merton). C'est l'occasion de découvrir la réflexion qui a mené à formuler ces expressions, et la logique qu'elle développe.
Le lecteur plonge également dans des théories récentes lui apportant des clefs de compréhension dans un monde toujours plus complexe. Il se familiarise avec le concept de modernité liquide développé par Zygmunt Bauman, et le rapproche de la notion d'un monde qui échappe à tout contrôle comme l'envisage Ulrich Beck. Le rapprochement de ces points de vue l'amène à revoir ses attentes vis-à-vis de ses élus et à mieux comprendre les réactions des électeurs face aux discours politiques. De la même manière, il observe tour à tour les différents points du vue sur la nature de l'identité sexuelle et devient à même de saisir la révolution de la conception de l'identité sexuelle, constituée par le point de vue de Steven Seidman dans sa théorie queer.
Ayant terminé ce livre, le lecteur ne peut que partager le point de vue de Jean Beaudrillard, qu'il vit dans un mode avec toujours plus d'information et toujours moins de sens. Pourtant, cet ouvrage de vulgarisation ne provoque pas en lui un dysfonctionnement, ne le pousse pas à renoncer à la compréhension, mais au contraire lui apporte le réconfort d'une présentation complexe et contradictoire du monde, en en faisant ressortir toutes ses richesses. Certes il éprouve l'impression que sa vie personnelle est entièrement contrainte et façonnée par l'environnement social dans lequel il est né et celui dans lequel il évolue, ou pire encore par la manière dont il est catalogué (Notre identité et notre comportement sont déterminés par la façon dont nous décrits et classés. - Howard Saul Becker), que ses émotions sont exploitées pour générer de l'agent (Dans le tertiaire, le produit, c'est l'état d'esprit. - Arlie Russell Hochschild), et que même si la culture est devenue omniprésente (Partout dans le monde, la culture occupe désormais le devant de la scène. - Jeffrey Alexander) elle est devenue un outil d'oppression (La culture de masse renforce la répression politique. - Herbert Marcuse). Mais dans le même temps, La modernité nous met au défi de vivre sans illusions, ni désenchantement (Antonio Gramsci) et l'universalisation du particularisme n'interdit pas la particularisation de l’universalisme (Roland Robertson). Ainsi l'individu dispose encore de toute latitude pour construire son identité propre et exister.