On pressent bien que le thème du mort-vivant a été abondamment exploité par le Grand-Guignol, sous toutes ses formes. Ici, il s'agit plus particulièrement du fantasme horrifiant, tel que porté à l'écran dans des films comme "Buried" ou "Kill Bill 2" : être enterré vivant.


Comme de juste, dans ce genre très expressionniste du théâtre de l'épouvante, les sentiments sont exagérés, et au premier chef ceux du jeune homme, Philippe, qui porte le deuil : ses témoignages d'affliction sont portés à un degré vraiment poignant, tandis que sa conviction que l'on a enterré vivante sa fiancée tourne à l'obsession crispée. Il faut toujours un peu de psychopathologie, dans ce genre, pour inquiéter encore plus le spectateur.


Les artifices mystérieux de la photographie (récente à l'époque), et son jargon technique qui passionnait autant les foules que peuvent le faire aujourd'hui les dispositifs informatiques ou numériques, donnent lieu ici à une mise en scène dérangeante : on ne peut développer les plaques photographiques que sous une lumière rouge, sous peine de bousiller le cliché. Inutile de dire que la régie-lumières s'en donne à coeur joie pour donner à voir cette atmosphère sanglante.


L'autre thème traité ici est la légèreté coupable avec laquelle le médecin légiste de l'Etat-Civil a confirmé le décès, après un examen rapide, trop rapide du corps. Comme dans "Dichotomie", il s'agit ici d'une critique sévère adressée au corps médical, mais qui n'a pas soulevé autant de scandale : le médecin légiste coupable plaide l'encombrement de son agenda, d'autant que les morts, eux, n'attendent pas très longtemps dans les domiciles privés avant de présenter des phénomènes chimiques désagréables... La scène 4 de l'acte III contient d'ailleurs un exposé quasi scientifique des cas de personnes enterrées vivantes, qui tourne à l'exposé historique un peu lourd, mais c'est au moins la preuve que les auteurs ont potassé leur sujet.


Evidemment, le pic de terreur survient quand on découvre que la défunte supposée a cherché à sortir de son cercueil. Avant d'y rester pour de bon...

khorsabad
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le 22 sept. 2016

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