Rien ne va plus dans la vie de Bertrand Berger-Lafitte, héritier d’une prestigieuse propriété de Cognac. La crise économique met ses affaires en péril, son ex-femme manigance pour l’écarter du conseil d’administration, sa fille est enceinte d’un ouvrier syndicaliste de son usine d’embouteillage et les actionnaires voudraient céder l’entreprise à des capitaux étrangers. Mais au lieu de se battre, Bertrand fait l’autruche. Il fuit les soucis aux coté de son fidèle chauffeur Eddy, costaud tatoué, fumeur de joints un peu bourru, confident aussi mystérieux que flegmatique.
Anne Percin porte sur son personnage principal un regard à la fois tendre et mordant. Un personnage qui n’avait rien pour me plaire à la base mais que j’ai trouvé infiniment attachant. J’ai toujours eu un faible pour les mous lymphatiques et résignés qui fuient les problèmes plutôt que de les affronter, je n’y peux rien. Bertrand préfère s’intéresser à un faon blessé, une corneille coincée dans la cheminée ou une portée de chatons plutôt que de défendre ses propres intérêts. Il subit mais surtout il relativise.
Un plaisir de retrouver la plume alerte et l’humour d’une auteure dont je ne connaissais jusqu’alors que les romans jeunesse. Dans cette satire sociale, elle multiplie les situations incongrues pour dénoncer sans avoir l’air d’y toucher la dureté d’une économie de marché dont le pragmatisme n’a que faire des traditions familiales. Les catastrophes ont beau s’enchaîner, Bertrand n’y voit que futilités. L’essentiel est ailleurs, même s’il ne sait pas vraiment où. Drôle, ironique et bien plus profond qu’il n’y paraît.