A l'insu de tous, Rose Rivière est étranglée au milieu de la foule, rassemblée sur la place de la ville de M. pour assister, sous la pluie, au spectacle de Noël. Seul indice : les deux mains noires qui enserrent le cou de la jeune femme, sur l'un des clichés d'ensemble pris par le journaliste qui couvrait la manifestation. Il n'en faut pas plus pour faire inculper l'unique homme à la peau noire résidant à M. Persuadée de son innocence, son avocate commise d'office mène l'enquête.
Quel plaisir de retrouver le ton et la manière de La police des fleurs, des arbres et de la forêt, dans un tout aussi impeccable numéro d'écrivain-illusionniste. Nous voici donc à nouveau dans la tête d'un enquêteur, en l'occurrence une enquêtrice, pleine de l'assurance enthousiaste et optimiste de la jeunesse, et bien déterminée à conclure une investigation il faut le dire menée avec brio. Sauf qu'encore une fois, aussi brillant soit-il, aucun raisonnement ne tient sans les bonnes données d'entrée. De fausses pistes en multiples péripéties, le récit cueillera tout le monde par la surprise de son twist final, pour la plus grande joie du lecteur et aux pires dépens de la narratrice et de son client.
Romain Puértolas nous offre un nouveau et très réussi moment de légèreté facétieuse, où il semble prendre autant de plaisir que ses lecteurs à les promener dans un jeu de dupes aux imparables coups de théâtre. En même temps, sous l'irrésistible mascarade, perce une terrible pointe d'amertume : celle de la désillusion d'une narratrice cruellement dessillée quant à la féroce roublardise du destin, qui aura emporté ses victimes avec la plus grande injustice. Il ne faisait pas toujours bon être femme ou avoir la peau noire dans ces années vingt... Coup de coeur.
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