Lenny Abramov. 39 ans. Travaille pour une société qui vend l'immortalité à des gens très riches. Quelque peu dépressif, Lenny est en décalage complet du monde dans lequel il vit. Un monde qui semble être une version encore plus gadgétisée que le nôtre : tout le monde passe son temps sur son äppärät, sorte de téléphone à tout faire, soit à étudier le niveau socio-économique et de sex appeal de ses prochains, soit à faire du shopping en ligne. Lenny lui aime les livres, tombés en désuétude et même en détestation car "ils sentent mauvais", et si son niveau économique est très bon, son sex appeal, lui frôle le ras des pâquerettes.
"J'ai remarqué que certains passagers de première classe me dévisageaient parce que je tenais un livre ouvert. "Mec, ton truc schlingue autant qu'une paire de chaussettes humides", a dit le jeune sportif à côté de moi, un guignol de la finance de chez LandO'LakesGMFord."
En voyage à Rome, il tombe désespérément amoureux d'Eunice Park, une Coréenne vivant aux Etats-Unis dans une famille issue de l'immigration. Eunice est désespérée elle aussi et c'est par ce concours de circonstance qu'elle va revenir à New York vivre avec Lenny. Ce roman est l'histoire de leur relation, dans une Amérique en pleine mutation, exsangue économiquement, proche de la révolution même. Si ce background anticipatif est important, il reste une toile de fond.
"IL EST INTERDIT DE RECONNAÎTRE L'EXISTENCE DE CE VÉHICULE ("L'OBJET") A MOINS DE DIX KILOMÈTRES DU PÉRIMÈTRE DE SÉCURITÉ DE L’AÉROPORT INTERNATIONAL JOHN F. KENNEDY. EN PRENANT CONNAISSANCE DE CET AVERTISSEMENT, VOUS AVEZ IPSO FACTO NIE L'EXISTENCE DE CET OBJET ET IMPLICITEMENT DONNE VOTRE CONSENTEMENT."
Le thème de l'histoire est bien cette "super triste histoire d'amour". Triste ça l'est, même si l'on se surprend à croire que cette relation peut marcher. Tout tourne autour de Lenny et Eunice. L'un raconte son histoire au travers de son journal intime. La seconde au travers des messages et des conversations qu'elle avec sa meilleure amie et sa famille. De ce fait, la psychologie de ces deux-là est très fouillée. On évolue avec eux constamment et on se prend à s'y attacher, même s'ils ont certains travers. Entre l'égocentrisme de Lenny et l'obsession du shopping d'Eunice, il y a de quoi faire ...
""La vie éternelle est la seule vie qui compte. Tout le reste n'est qu'une phalène voletant autour de la lumière"."
Le tout est servi dans un style très agréable à lire, avec beaucoup d'humour et une excellente maîtrise de la langue. J'ai particulièrement apprécié les séquences journal intime et conversations instantanées qui s'enchaînent. Cela rend le récit très vivant et nous permet de voir le point de vue des deux personnages en simultané. Et le moins que l'on puisse se demander, c'est comment ils ont fait pour finir ensemble tant ils sont différents...
Si le roman ne marquera pas durablement mon esprit, il m'a néanmoins procuré une lecture fort agréable, l'efficacité du style y étant pour beaucoup.
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