Alors le hasard total d'une boîte à livres a fait que j'ai lu le rouleau original de Sur la route de Jack Kerouac. En conséquence, l'ensemble, évoqué ici, n'est pas du tout édulcoré. Qu'il n'y a pas de Sal Paradise, de Dean Moriarty, de Marylou, etc. Juste les vrais noms...
Dans l'édition Folio qui m'a servi dans la découverte de cette œuvre mythique, on retrouve bien le côté compact de l'ensemble, sans paragraphes, sans passages à la ligne, sans chapitres. Ce qui est idéal pour ressentir l'écriture sur un gros et long rouleau, tapé frénétiquement, quasi d'un jet, à la machine à écrire.
Pour ce qui est de résumer d'une manière détaillée ce roman autobiographique, c'est mission impossible parce qu'à part quelques rares, sporadiques et brèves descriptions des lieux traversés (parce qu'on n'a pas le temps de s'y étendre et d'en profiter !), une phrase est égale à une action. Kerouac ne s'embarrasse pas de fioritures. Il claque à l'essentiel pour que le rythme soit intense. Il a voulu coucher du jazz sur papier. Il y est parvenu.
Bon, Sur la route est le monument littéraire du mouvement beatnik. On plonge dans des existences complètement errantes, à base de baise (avec des donzelles pas toujours farouches !), d'alcool, de drogues, de petits larcins, d'incapacité à se fixer, professionnellement et personnellement (après lecture, je m'étonne même que les deux protagonistes masculins aient réussi à atteindre la quarantaine, tellement leur mode d'existence était barré !). Ça se marie facilement, ça divorce tout aussi facilement. Ça passe d'un foyer à un autre, parfois dans les deux côtés opposés du pays. Ça claque des sommes d'argent à la vitesse de la lumière, sur des coups de tête. Ça ne peut se soumettre aux carcans de la société (le fait que l'auteur, alors qu'il connaissait la gloire et le succès, a été incapable de savourer tranquillement ce qui lui arrivait, le prouve ; c'était un éternel nomade !). Et le meilleur moyen d'y échapper à ces satanés carcans, c'est de ne jamais prendre le temps de se fixer, de toujours bouger.
On suit deux ados inconséquents dans les corps de jeunes adultes, Jack Kerouac et sa drôle de muse, encore plus timbrée que lui, Neal Cassady. Durant tout le bouquin, excepté un épisode mexicain sur la toute fin et quelques expériences en solo (à pied ou en autostop !) pour notre futur homme de lettres, ces deux-là, quelquefois en compagnie d'un troisième larron, parcourent les États-Unis, d'est en ouest, d'ouest en est, le pied complètement enfoncé sur la pédale d'accélération, et ça se répète, se répète, se répète sans arrêt.
Je dois bien avouer que dans le dernier quart, j'avais envie qu'ils me déposent sur le bas-côté, pour qu'ils aillent faire les cons, tout seuls, de leur côté, étant donné que c'est pratiquement toujours la même chose qui revient encore et encore et encore. Mais il faut bien saisir que c'est un roman d'atmosphère et non pas roman à intrigue. C'est cela sa raison d'être, retranscrire cette atmosphère, en être le témoignage. Ce qui fait que si ma lecture de Sur la route n'a pas été constamment passionnante, elle a été néanmoins enrichissante.