La douleur de l'exil et la renaissance identitaire : ces thèmes sont liés aux trois livres de Dinaw Mengistu et ils le seront sans doute à jamais dans son oeuvre, issus de sa propre histoire de bébé éthiopien arrivant à 2 ans en Amérique. Tous nos noms n'a pas l'évidence et la force émotionnelle des deux premiers livres de Mengistu : Les belles choses que porte le ciel et Ce qu'on peut lire dans l'air. En revanche, il possède d'autres qualités, notamment cette douceur sourde qui transforme un récit à deux voix en une même mélodie infiniment gracieuse et pudique qui laisse une marge d'imagination au lecteur. Les chapitres alternent entre ceux de l'ami d'Isaac dans l'Ouganda en pleine guerre civile et ceux d'Hélène, l'amoureuse blanche d'un homme à peine arrivé dans le Midwest et qui se fait appeler Isaac en souvenir de celui qu'il a quitté en Afrique (c'est beaucoup clair dans le livre, ne pas avoir peur). Volontairement, Tous nos noms adopte des contours flous dans les lieux et les événements évoqués. Même impression pour les pensées du héros masculin du livre (Isaac donc, mais seulement en Amérique) qui semble le plus souvent passif, ballotté par les vents et énigmatique quant aux sentiments qui l'habitent. Un livre sur l'identité, c'est certain ("Je suis né avec 13 noms" confie le deuxième Isaac) mais aussi sur l'amitié (qui ressemble à une passion) et l'amour, celle d'Hélène, qui accepte de faire confiance à son coeur alors que son amant ne lui révèle rien de son passé et lui ment par omission. Le roman est aussi le portrait d'une petite ville américaine des années 70 où, même si les lois ségrégationnistes n'ont plus cours, les liaisons interraciales ne peuvent exister que clandestinement. Peu à peu, Mengistu dévoile davantage sur ses personnages mais sans pour autant décrypter tous leurs mystères. Cela pourrait être frustrant pour le lecteur, c'est au contraire stimulant et touchant. En fin de compte, la charge émotionnelle est aussi forte dans Tous nos noms que dans les livres précédents de Mengistu. Elle est simplement plus feutrée, avec la suave élégance d'une mélancolie qui a le goût des secrets inavoués.

Cinephile-doux
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le 4 janv. 2017

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