Lu en Août 2021. Ed Le LdP. 8/10
Début de lecture de ma bibliographie de S1. Ici, lecture d’un auteur de la francophonie. Le sujet étant « les catastrophes naturelles ».
Dany Lafferrière nous propose donc une sorte de témoignage dans l’intériorité d’Haïti au moment du tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Pour moi c’est tout à fait d’actualité puisque Haïti vient de subir un nouveau tremblement de terre il y a moins d’une semaine, quand je le lisais. Si j’étais de la religion vaudou comme beaucoup d’haïtiens, très certainement que je n’y verrais pas qu’une simple coïncidence.
Toujours est-il que nous sommes plongés dans une vision de destruction, une grande partie de Port-au-Prince (la capitale) s’est effondrée et leurs habitants avec.
On n’a pas vraiment à faire à un roman, il s’agit plutôt d’un travail de journaliste, d’intellectuel qui poserait sa plume pour décrire ce qu’il peut voir, sans pathos, sans lyrisme, une simple image de la désolation d’un peuple courageux, résiliant et porteur d’une culture extraordinaire.
Puisque le livre se compose de petites pensées qui sont comme des petites descriptions, des anecdotes, il est très accessible, il ne demande rien d’autre que de suivre les mots qui sont très évocateurs, choisis pour leur précision. Ce qui est surtout précis dans ce livre c’est la temporalité : 12 Janvier 2010 à 16h53. Tout tourne autour de cette minute fatidique, c’est la seule date qui persiste encore et encore. Elle nous fait perdre les repères temporels de chaque chapitre qui s'apparentent à des notes sur le moment. Mais quel moment ? Le moment systématique du 12 janvier, quand bien même la note serait écrite plusieurs mois après. C'est la note sur la conséquence de cet événement. Tout y est relié lorsqu’on est Haïtien ou lecteur de cette œuvre.
Ainsi, je ressens son trouble quant à la perception du temps, tout peut s'arrêter et changer en une minute.
Néanmoins les Haïtiens (et peut-être l’Homme en général) m’ont subjugués par leur capacité de résilience. Dany Laferrière nous décrit une île où tout revient très vite «à la normale ». Évidemment la réalité est tout autre car ce séisme a affecté surtout les plus pauvres qui subissent encore aujourd’hui les conséquences de cet évènement, des gens qui ont tout perdu, maison, famille, n’ont toujours pas reçu d’aide de la part du gouvernement, peut-être le plus corrompu du monde. Je sais cela car ce livre m’a donné envie de me renseigner sur Haïti et mes recherches ont été passionnantes. J’y ai découvert que c’est un bordel sans nom que jamais je n’aurais pu imaginer. Une pauvreté énorme, une criminalité énorme, une histoire politique désastreuse pourrie par les dictatures puis par la corruption à un niveau d’indécence inimaginable.
Ainsi si on peut critiquer la légitimité de l’auteur en cela que c’est un intellectuel vivant au Canada depuis 30ans et étant parti de l’île 2 jours après le séisme qui décrit la pauvreté de son pays avant pendant et après le séisme ; il joue quand même le rôle d’intermédiaire pour me faire m’intéresser a posteriori à son pays de naissance.
Et surtout comme le dit très joliment @BibliOrnitho, c’est « Un conte d’une incroyable beauté malgré le thème. Le bleu de la mer, la couleur des tropiques, la saveur des mangues, le souffle des alizés. La société bigarrée, les constructions hétéroclites qui forment un paysage unique, une ville reconnaissable entre toute. Et cette écriture merveilleuse, riche et construite par l’habituelle juxtaposition de courts chapitres qui sont autant d’anecdotes tantôt graves, tantôt frivoles ». En bref c’est un très beau livre.
« Il a entendu un bruit de train, comme la plupart des gens, avant de conclure que c’était « le bruit de ce que contient Port-au-Prince qui se fracasse ». Image de poète ». (Frankétienne, p45)
« La mort en nous frôlant laisse en nous une frénésie qui nous pousse à défier les dieux » (La chambre, p64 »
« Je sais maintenant qu’une minute peut cacher en elle, la vie d’une ville » (idem)