Tout bouge autour de moi par BibliOrnitho
Après avoir retrouvé le chemin de son pays natal, rompant ainsi avec 30 ans d’exile – épisode raconté dans l’Enigme du retour –, Dany Lafferrière se trouve à nouveau à Port-au-Prince en ce 12 janvier 2010. Il est attablé avec un ami dans le restaurant de son hôtel. On vient de leur servir une corbeille de pain et ils attendent leur homard quand le sol se mit à trembler.
L’auteur nous dit alors avec un étonnant détachement que les réactions des convives furent diverses. Certains plongèrent sous leur table, tandis que d’autres se précipitèrent dehors. D’autres encore, parce qu’ils prirent le temps d’avaler une dernière bouchée perdirent quelques précieuses secondes.
Allongé à plat ventre au centre du terrain de tennis de l’hôtel, Dany Laferrière regarda les bâtiments s’écrouler les uns après les autres. Dans ce pays très pauvre et peu habitué aux séismes, les normes antisismiques n’existent pas. Les édifices en bétons n’ont pas tenus. Les masures les plus pauvres faites de bois et de tôles ont mieux résisté.
La ville est dévastée. C’est un champ de ruine que l’auteur nous décrit. Véhiculée dans la voiture personnelle de Lyonel Trouillot (qui habite sur place et qu’on est heureux de croiser dans son quotidien), Dany tente de parvenir jusqu’à la maison de sa mère dont il n’a pu avoir de nouvelle. Froidement, sur le ton d’une banale conversation de coin de rue, il fait le bilan de la catastrophe. Il évoque les blessés et les morts sans toutefois s’y attarder. Il évoque la ville qui devra être reconstruite selon un plan à déterminer, les défis qui devront être relevés, les haïtiens et leur vie bouleversée, leur incroyable capacité à se relever – toujours – après une tragédie, qu’elle soit naturelle, politique ou sociale.
Un conte d’une incroyable beauté malgré le thème. Le bleu de la mer, la couleur des tropiques, la saveur des mangues, le souffle des alizés. La société bigarrée, les constructions hétéroclites qui forment un paysage unique, une ville reconnaissable entre toute. Et cette écriture merveilleuse, riche et construite par l’habituelle juxtaposition de courts chapitres qui sont autant d’anecdotes tantôt graves, tantôt frivoles.
Et l’omniprésence du vaudou et de la religion…
Une nouvelle tranche de soleil : lire ce livre revient à croquer dans une tranche d’ananas. C’est savoureux, c’est sucré. Dany Laferrière est un incroyable conteur dont je ne me lasse pas !
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