Curieux objet que cette autobiographie du pire sélectionneur de l'histoire des Bleus. Ses confidences sur la débâcle historique de Knysna amusent toujours autant plus de 10 ans après les faits. Un faux Candide qui se donne un rôle de choix, celui du type trop gentil pour écarter et de trop fidèle pour trahir. Alors trop bon trop con Raymond ? C'est le postulat du livre choc.
Domenech moins ultra
Si les années Domenech furent le fiasco que l'on sait (à l'exception de la finale 2008) c'est sans aucun doute parce qu'il s'est échiné à construire pendant 6 longues années des groupes ingérables (Anelka, Ribéry, Nasri, Abidal, Evra...). L'ancien sosie de Daniel Day Lewis dans Gangs of New-York semble avoir élaboré méthodiquement une poudrière.
Un exemple flagrant nous est livré avec la sélection de Thierry Henry pour la coupe du monde de 2010. L'ancienne gloire des bleus accuse le poids des années, et malgré un net déclin veut absolument participer à ce qui sera sa dernière grande compétition. Domenech refuse dans un premier temps de le sélectionner puis cède devant l'insistance du joueur. Il étale sa faiblesse aux yeux de tous.
Et cette anecdote illustre son comportement dans les rapports de force. Peu de répondant face aux grandes gueules, et une conviction étonnante qu'il est capable de gérer les lascars mi débiles mi caractériels qui le méprisent en se montrant politique.
Astronomy dominé
L'autre climax du livre étant sa demande en mariage à la journaliste Estelle Denis le soir de l'élimination des Bleus à l'Euro 2008. La déclaration télévisuelle la plus improbable jamais vue en France. A-t-il voulu produire une scène poignante où le perdant se révèle humain et transcende par son amour la trivialité du sport ? Un moment qui rappelle plus la trash télé de "Y a que la vérité qui compte" que la fin émouvante de Rocky 1.
Le livre est une gigantesque justification de ses nombreux errements : son refus de serrer la main du sélectionneur brésilien, la grève des joueurs, l'histoire du car, la taupe, les insultes d'Anelka, Ribéry en claquettes à téléfoot, ses inimitiés avec Wenger, Larqué et tout le monde en fait...
Et ce féru de théâtre et d'astrologie n'hésite jamais à s'en prendre à plus faible que lui. Gourcuff, coupable de n'avoir pas le charisme de Zidane ou de Platini en prend pour son grade : "J’avais envie de lui mettre des gifles avec son air de garçon candide, de pauvre petit malheureux à qui on veut du mal, un meneur c’est un guerrier, pas un suiveur, réveille-toi Yoann". Gifles qu'il n'avait jamais eu envie de les coller aux Anelka, Ribéry and co qui lui on pourtant pissé sur la tête.
A nous la défaite
On flirte souvent avec l’auto-parodie et les blogs humoristiques sur le foot. Les gens autour de lui le prennent pour un con et c'est le seul à ne pas s'en apercevoir. Il s'émerveille de banalités, rapporte les limites intellectuelles de ses joueurs et colle des locutions latines dès qu'il en à l'occasion. Si vous me permettez d'essayer un pastiche, le livre entier est un machin comme ça :
Demain nous jouons la Pologne en match amical, les gars et moi même passons une mise au vert tout simplement magnifique ! Après le déjeuner William, Florent et Zizou ont même joué aux cartes ! Je leur ai dit carpe diem, William m'a répondu "non belote", c'est pas grave, au moins il m'a répondu pour une fois ! Je pense créer un lien spécial avec William, j'aime sentir une cohésion dans mon groupe, et si la saine compétition à travers ces bouts de papiers peut les mener ad victoriam, c'est aussi bien.
J'ai toujours autant de mal à communiquer avec Zizou, nous sommes semblables lui moi, il n'y a pas de casus beli entre nous mais nous ne donnons pas notre confiance comme ça. J'ai amorcé une discussion très enrichissante avec lui pendant 1h25, il a levé la tête à deux reprises, j'ai senti que mes arguments pénétraient la carapace infranchissable de sa pudeur, je lui dit "zizou, tu es le meilleur prend les choses en main", je crois qu'il n'avait jamais vu les choses sous cet angle... j'ai cru bon d'ajouter, Cælum non animum mutant qui trans mare currunt (ceux qui courent par les mers ne changent que le ciel au-dessus de leur tête ; ils ne changent pas leur âme), mais il m'a juste répondu que Robert m'en voulait de rendre obligatoire les protèges tibias à l'entraînement.
Pour autant, Raymond Domenech n'est pas l'unique responsable de cette sombre période du football français. Jean-Pierre Escalette, et les joueurs sont aussi coupables que lui de ces humiliations répétées lors de ces grandes compétitions.
Mais on reprochera surtout à "Ray" de n'avoir jamais faire de choix forts, de s'être toujours conformé aux attentes de la presse en sélectionnant les joueurs les plus populaires quand bien même leur comportement indigne et leur manque d'implication en Bleu aurait du leur interdire l'accès à Clairefontaine.