Il est toujours étonnant de découvrir l'origine d'un pan entier d'un genre – ou sous-genre – littéraire. Ainsi, se plonger dans l'aventure de Conway Costigan, Clio Marsden et du capitaine Bradley, c'est lire la première épopée interstellaire. Et cela, ce n'est quand même pas négligeable. Certes, avant Edward Elmer Smith, il y avait Jack Williamson, dont la Légion parcourait le système solaire d'un bout à l'autre pour en bouter les extraterrestres mal intentionnés souhaitant s'en emparer. Mais avec la saga Fulgur, Smith voit plus grand, va plus loin : il fait sortir ses personnages du minuscule regroupement de planètes que nous connaissons pour leur faire explorer d'autres mondes évidemment peuplés de créatures inamicales.
Écrit en 1948, Triplanétaire est un roman évidemment ancré dans son époque. Tout – en exagérant un peu – peut encore être inventé en matière de science-fiction. Smith imagine l'empire galactique, la guerre à l'échelle de l'univers. C'est quand même pas mal, n'est-ce pas ? Un contexte d'une telle dimension a besoin de personnages hauts en couleurs, aux épaules larges, à l'esprit vif, si possible dotés de pouvoirs parapsychiques. Il y a tout cela. Sur fond de conflit entre les Eddoriens et les Arisians, Terriens (de Tellus, le nom de la Terre dans Fulgur) et Névians vont s'affronter au cours d'une guerre brève mais violente.

Je ne pense pas devoir en raconter plus. Le lecteur prendra plaisir à découvrir le contexte du roman, présenté par l'auteur dans une première partie qui plante les germes d'une saga appelant à maints rebondissements et qui comptera finalement sept tomes. Pas de surprise, nous sommes dans les années quarante, à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale : le récit est manichéen. Les méchants sont clairement définis, sans subtilités et méprisent les espèces inférieures ; les gentils sont plus malins ; les deux factions sont tout de même de force équivalente et leur collision promet d'être cataclysmique. J'en salive d'avance...
C'est dans la deuxième partie du roman que le lecteur fera la connaissance de Conway Costigan, qui cumule toutes les qualités du vrai mâle : virilité, beauté, charisme, intelligence... Toujours à même de trouver une solution à un problème mais victime du sort qui s'acharne à lui faire affronter de nouveaux dangers, sans pitié contre ses ennemis mais capable de les comprendre et de les respecter, il est l'archétype du héros de space opera qui en veut et qui en a. Qui en a même plus que le commun des humains : il accolmplit des exploits qui le placent au-dessus de nous autres, comme retenir sa respiration tout en donnant l'alarme vocalement au cours d'une attaque au gaz. Mais cette surhumanité n'est parfois qu'apparence car Edward Smith ignore visiblement tout du principe du fusil de Tchekhov : on peut apprendre au moment où nos héros pénètrent dans un vaisseau extraterrestre qu'ils l'ont précédemment scanné grâce à un appareil insolite sorti plus ou moins du néant et qu'ils sont donc capables de le piloter. Résultat : les personnages apparaissent pleins de ressources insoupçonnées (de l'auteur lui-même semble-t-il parfois).
Mais Costigan n'est pas seul pour sauver le monde – l'univers. Il a derrière lui toute la puissance du service triplanétaire. La flotte des trois planètes affrontera Gharlane d'Eddore – alias Roger – dans des combats titanesques. Les ingénieurs humains, que le reste de l'univers pourrait envier à Tellus, vont créer des armes, des appareils et des vaisseaux qui permettront l'engagement de combats interstellaires dignes de ce nom, et où l'avancement technologique extraterrestre ne sera plus de mise. Bombes désintégratrices, rayons émollients et tracteurs, rideaux d'annihilation (rouges ou violets) et autres faisceaux destructeurs font alors crépiter de part et d'autre écrans énergétiques, polycycliques et autres barrières défensives au cours de combats spatiaux d'une envergure comme la science-fiction n'en avait jamais vu.

Triplanétaire est donc un pur space opera, le premier d'une longue tradition de récits haletants d'aventures spatiales, interstellaires et même intergalactiques. Une référence à connaître, même s'il ne faut pas en aborder la lecture en imaginant lire un chef-d'œuvre, mais plutôt avec un recul ironique sur les récits de SF de la première moitié du XXème siècle.
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le 18 déc. 2010

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