Mères perdues
Tout doit se jouer dans cet ultime épisode. Les personnages, qui ont maintenant bien évolué, doivent effectuer des choix de vie définitifs. Il se révèle que le choix majeur se situe entre la fuite...
Par
le 29 sept. 2012
36 j'aime
12
On se demande ce que cette pièce fait sur la scène du Grand Guignol. Pas d'horreur à l'horizon, pas de paquets de neurones palpitants explosés sur les murs, pas de tortures raffinées, pas de massacre, même pas un ongle retourné ou un orteil cogné contre un pied de lit. Une pièce soft, presque lisse.
Madame Cantu, déclarée folle il y a huit ans, est déclarée enfin guérie par le Directeur de l'hôpital psychiatrique où elle a séjourné tout ce temps-là. Elle va rentrer chez elle, exultant à l'idée de revoir sa famille, ses enfants et petits-enfants...
Sauf que - et c'est là le véritable drame, hélas trop vraisemblable - sa famille ne veut plus d'elle, a considéré que sa folie était perpétuelle, et n'est jamais venue la voir. Chacun a fait sa vie en l'oubliant dans son asile, et tout le monde a fait une croix dessus. Classée par sa famille comme folle incurable, Madame Cantu ne rencontre que l'indifférence quand elle tente de rentrer chez elle. Elle encombre, elle n'intéresse personne, et elle en est si malheureuse qu'elle n'a d'autre ressource que de retourner... là d'où elle sort.
Tragédie psychologique, dont on ne croit pas trop qu'elle n'ait jamais eu lieu, vu la nature humaine, trop humaine... Les auteurs expriment leur talent d'écriture sur la vivacité et la sincérité des sentiments de Madame Cantu : joie de retourner chez elle, étonnement de ce que personne ne vienne la voir, détresse et abattement de constater qu'elle ne peut se réadapter au havre familial...
La pièce a un côté comique : les différents compagnons d'hôpital de Madame Cantu sont peints avec humour, et surtout beaucoup d'exagération dans leur folie : l'un se prend en permanence pour le poète Lamartine, et veut débiter des vers lamentables à tout propos; une autre se prend pour un buste en porcelaine de la République, une jeune fille se prend pour une locomotive... Les auteurs n'y vont pas avec le dos de la camisole. A ces portraits-charges rigolos, il faut ajouter celui d'une chanteuse, invitée à se produire devant les patients, péronnelle prétentieuse et bornée, qui ne trouve jamais satisfaisants les moyens mis à sa disposition, et qui prend un reporter pour un fou. Ce dernier le lui rend bien, d'ailleurs.
Le concert cité dans le titre est une petite fête organisée par le Directeur pour amuser les malades. La méthode thérapeutique de ce personnage laisse rêveur: il ne fait rien pour soigner ses pensionnaires, se contentant de ne pas les contrarier...
Assez souvent drôle, cette pièce pourrait presque être vue par des enfants, si ce n'était le côté sombre du drame personnel vécu par Madame Cantu, qui n'a plus comme ressource que de redevenir folle. Ce qu'elle n'est pas.
Au fond, le côté Grand-Guignol de cette intrigue, c'est la cruauté de cette destinée : la stigmatisation sociale des fous.
Créée
le 17 sept. 2016
Critique lue 88 fois
Du même critique
Tout doit se jouer dans cet ultime épisode. Les personnages, qui ont maintenant bien évolué, doivent effectuer des choix de vie définitifs. Il se révèle que le choix majeur se situe entre la fuite...
Par
le 29 sept. 2012
36 j'aime
12
Le public français contemporain, conditionné à voir dans la Bible la racine répulsive de tous les refoulements sexuels, aura peut-être de la peine à croire qu'un texte aussi franchement amoureux et...
Par
le 7 mars 2011
36 j'aime
14
L'enthousiasme naît de la lecture de Gargantua. Le torrent de toutes les jouissances traverse gaillardement ce livre, frais et beau comme le premier parterre de fleurs sauvages au printemps. Balayant...
Par
le 26 févr. 2011
36 j'aime
7