[...] De son plein gré au-devant des ennuis.

Vallée de la Monongahela - la Mon' - banlieue de Pittsburgh, Pennsylvanie.
Depuis près de vingt ans, les usines sidérurgiques qui faisaient battre le cœur d'acier de l'Amérique ont été démantelées.
Dans cette Lorraine des États-Unis où tout a pris Un arrière-goût de rouille, où les anciens sidérurgistes en sont réduits à braconner pour remplir le congèl' et nourrir leur famille, le jeune Isaac et son ami Billy Poe traînent leur désespoir.
Isaac aurait bien voulu faire des études d'astrophysique, il en avait les capacités. Alors il décide de prendre la route vers l'ouest et ses radiotélescopes. Réaliser son rêve.
Les deux jeunes gens n'iront pas bien loin et le rêve s'arrêtera page 35, lorsque Billy et Isaac trébucheront sur le cadavre d'un sdf qu'ils viennent de trucider un peu par accident.
Philipp Meyer fait parler de lui en ce moment avec un second roman, Le fils, lauréat de plusieurs prix littéraires. Mais on a préféré découvrir d'abord son premier bouquin, sorti il y a déjà six ans.
Et dès 2009, la renommée de cet auteur n'était pas usurpée : on est rapidement happé par une écriture forte, faite de petites phrases sèches et dures. Une plume faite pour décrire les âmes en peine qui errent dans la vallée abandonnée.
Un rythme original, presque poétique, aussi lancinant qu'une sourde douleur, auquel il faut s'habituer mais qui finit par vous imprégner de la sombre ambiance de cet ancien pays industriel aujourd'hui déserté. Des paysages très prégnants presque obsédants où l'on constate à nouveau la proximité des américains avec leur 'nature'.
On passe de chapitre en chapitre de l'un à l'autre, Isaac, Billy Poe, la sœur de l'un, la mère de l'autre, le shérif, le père enfin, ... Une partition à plusieurs voix menée par un chef d'orchestre qui maîtrise parfaitement sa chorale.
Tous sont englués entre des passés que l'on regrette et des avenirs qui n'arriveront jamais. Noir c'est noir. Un p'tit noir serré, plein d'amertume.
Les plus chanceux ont réussi à quitter la vallée de la Mon', comme ils le pouvaient.
Lee, la sœur, en épousant un riche dépressif.
La mère, en se lestant les poches avec des cailloux avant de traverser la rivière gelée.
Nous voici avec ceux qui n'ont pas pu partir et qui sont restés.
Ça commence comme un roman social, une histoire d'une banalité à faire peur, mais dont on sent bien qu'elle n'aurait pas pu se dérouler ailleurs que dans cette vallée.
Et puis peu à peu, tout cela vire au roman noir, de ceux où l'on voit très vite que ça va très mal finir, parce que chacun des personnages est celui qu'il ne fallait pas, là où il ne fallait pas, quand il ne fallait pas. Et qu'il a fait ce qu'il ne fallait pas faire.



[...] Il savait que ça risquait de mal tourner mais il était aller de son plein gré au-devant des ennuis.



Mieux vaut ne pas être dépressif avant d'ouvrir un roman de Philipp Meyer !
Mais il ne faut surtout pas passer à côté de cette belle et originale plume.
Rendez-vous donc en 2016 avec Le fils !
Pour celles et ceux qui aiment les villes au passé industriel.

BMR
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 18 déc. 2015

Critique lue 331 fois

1 j'aime

BMR

Écrit par

Critique lue 331 fois

1

D'autres avis sur Un arrière-goût de rouille

Un arrière-goût de rouille
domguyane
8

chez les laissés pour compte de la délocalisation

On est dans l'Amérique ouvrière, celle qui a été abandonnée et qui vivote dans les vestiges rouillées de ses usines. L'histoire de deux ados à l'amitié improbable, une petite frappe qui a abandonné...

le 6 avr. 2015

1 j'aime

2

Un arrière-goût de rouille
EncoreDuNoirYan
9

Critique de Un arrière-goût de rouille par EncoreDuNoirYan

« Cent cinquante mille chômeurs, ça ne laissait pas beaucoup de place au soleil, mais ni Virgil ni elle n’avait de famille ailleurs. Il fallait de l’argent pour partir ; il fallait partir pour...

le 7 déc. 2012

1 j'aime

Un arrière-goût de rouille
François_CONSTANT
6

Critique de Un arrière-goût de rouille par François CONSTANT

"Un arrière-goût de rouille", premier roman de Philippe MEYER (Ed.: Denoël, 2010 pour sa traduction française) m'a laissé un petit goût de plaisir mitigé. Le thème de l'Amérique dont l'industrie...

le 28 oct. 2015

Du même critique

A War
BMR
8

Quelque chose de pourri dans notre royaume du Danemark.

Encore un film de guerre en Afghanistan ? Bof ... Oui, mais c'est un film danois. Ah ? Oui, un film de Tobias Lindholm. Attends, ça me dit quelque chose ... Ah purée, c'est celui de Hijacking ...

Par

le 5 juin 2016

10 j'aime

2

The Two Faces of January
BMR
4

La femme ou la valise ?

Premier film de Hossein Amini, le scénariste de Drive, The two faces of January, est un polar un peu mollasson qui veut reproduire le charme, le ton, les ambiances, les couleurs, des films noirs...

Par

le 23 juin 2014

10 j'aime

Les bottes suédoises
BMR
6

[...] Je ne suis pas hypocondriaque, mais je préfère être tranquille.

C'est évidemment avec un petit pincement au cœur que l'on ouvre le paquet contenant Les bottes suédoises, dernier roman du regretté Henning Mankell disparu fin 2015. C'est par fidélité au suédois et...

Par

le 10 oct. 2016

9 j'aime

1