« L'horreur absolue de tout devoir conjuguer au passé dorénavant. »

Alors que l'Amérique retient son souffle au sujet de l'élection d'Obama, Laura et Samuel, indifférents au monde et centrés chacun sur le sien, se préparent à affronter la mort.

Pour Laura c'est la sienne, celle d'une femme qui n'a plus ses repères, se sent parfaitement inutile, elle qui n'a jamais vécu que pour les autres, maintenant que les autres ne sont plus là. Epouse modèle que le mari a fini par remplacer par une autre, « merci et au-revoir », comme on vire une femme de ménage, semble-t-il. Mère aimante mais les fils sont grands, ils sont loin et ils font leur vie. Peut-être un peu ingrats, peut-être simplement qu'il n'en peuvent plus de cette mère paumée, qu'ils ne savent pas quoi faire avec elle, comment l'atteindre, comment l'aider. Lassée des dialogues superficiels, fatiguée de ne jamais savoir comment joindre les deux bouts, persuadée que sa disparition n'aura aucune incidence, et c'est peut-être le pire, quand on en vient à se dire cela, Laura se prépare à mourir. Elle a tout planifié, sa journée, ses coups de fil et ses visites, ses adieux dont elle seule sait qu'ils en sont.

Pour Samuel c'est celle de son fils. Incompréhensible, inacceptable. Comment un enfant de 17 ans peut-il mourir ? L'on assiste à la lutte d'un père désemparé qui n'en est même plus un, de père. Ce qui l'a défini pendant toutes ces années n'est plus. Samuel ne parvient pas à sortir la tête de l'eau, mais comment le pourrait-il ? La moindre évocation, le moindre souvenir fait mal. Le deuil n'est pas encore entamé, la mort à peine réalisée, pas encore acceptée. Peut-on jamais accepter ? « Il songe qu'il faudrait apprendre à se préparer aux disparitions afin de s'en protéger, mais la vérité c'est qu'on n'a pas assez d'imagination pour ça ». Et puis se préparer à quoi ? Se préparer à la mort, c'est renoncer à la vie. Vivre en ayant toujours peur de perdre les autres, ça empêche de vivre, justement. Penser comme ça, c'est s'enterrer. Ne pas aimer par peur de perdre, ça, ce serait une bonne raison de se tuer.

Une bonne raison. Quelle est-elle ? Il n'y a pas de bonne raison universelle pour commettre un tel acte. Certain diront qu'il n'y en a aucune, d'autres comprendront l'un et pas l'autre. Laura a-t-elle raison de renoncer quand on la compare à Samuel qui ne semble pas envisager autre chose que de s'accrocher à cette putain de vie ? Leurs journées vont se croiser, leurs destins aussi, et l'on se demande si ces deux détresses pourront se trouver, s'aider, dans cette journée si particulière où le monde se fiche d'eux parce qu'il y a les élections – mais le monde a-t-il besoin d'un événement si particulier pour ne pas s'intéresser à l'individu, c'est tellement plus facile de ne pas voir - et où ils se fichent du monde parce que ce qui leur arrive est plus important.
Nomenale
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le 10 mars 2015

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