A chaque page d'Une petite fortune, le premier roman de l'anglo-pakistanaise Rosie Dastgir, il apparait clairement que celle-ci sait de quoi elle parle, une histoire qui est proche de sa vie et plus particulièrement de celle de son père. De Harris, le personnage central, divorcé de son épouse anglaise, depuis longtemps coupé de ses racines, Rosie Dastgir ne dissimule rien : ses doutes, la dépression qui rôde, ses ennuis d'argent, sa difficulté à faire des choix, son incapacité à comprendre la soif de liberté de sa fille. C'est un caractère très riche, admirablement décrit par la romancière, sans angélisme aucun, avec une tendresse qui perce sous l'ironie ciselée dans un style d'une extrême fluidité. La force du livre tient également dans les portraits de toute la communauté familiale qui gravite autour de Harris. Sa fille, en premier lieu, égarée dans sa double culture, son neveu qui se perd dans le fondamentalisme, une veuve très indépendante avec laquelle il entretient une relation compliquée et dont les conceptions de la vie en commun sont à l'opposé des siennes. Très douée pour tisser une trame extrêmement dense, Rosie Dastgir ne perd jamais le fil entre les différents protagonistes et leurs confèrent une belle épaisseur psychologique. Un premier roman qui se dévore avec un appétit d'ogre et qui laisse une trace nostalgique et douce, une fois refermé.