Pour l'amour de l'Antique, se balader dans ses pages! Pour l'Amour de l'Histoire et du patrimoine, laisser la plume de Monsieur Goetz nous transporter dans ce temps hors espace et hors temps, quelque part sur la Côte d'Azur, à Beaulieu sur Mer, là où se dresse cette étrange villa de la Belle Epoque, refaite dans le style hellénistique des riches villas du IIe av JC, sur l'île de Délos !
Pour l'Amour de l'Histoire, se laisser vivre en pensée dans cette fin de XIXe siècle, où règne un monde chatoyant et cosmopolite fascinant, que le premier conflit mondial brisera bientôt ! Pour l'Amour de l'esprit grec qui y règne, se laisser imprégner par les images de cette baie des fourmis que la villa surplombe et se laisser bercer par la douce brise marine, qui y souffle, quand le soleil se couche à l'horizon ! Pour l'Amour de l'Antique, être un visiteur spirituel de cette admirable galerie des Antiques, attenante à la villa et courant le long de l'ancien chemin des douaniers, l'abritant, actuellement !
Pour l'Amour de la connaissance et pour l'Amour de la Grèce antique, se laisser impressionner par la splendeur qui y est maîtresse et se délecter de ce petit ilôt bonheur, dans la tourmente, quand bientôt la période sombre de l'Occupation va encore venir bouleverser la vie de cette tranquille villa qui offrait depuis des décennies un visage tranquille !
Autant dire que la partie fictive de l'action n'est pas l'intérêt ni l'attrait principal de cet étonnant roman qui refuse d'en être un et où tout n'est que sensations, souvenirs ou désir de remettre les pieds à Kérylos comme Ulysse retrouvant Ithaque après sa longue errance. On se retrouve en face d'un havre de paix, où tout n'est qu'érudition passionnante, sans être assommante ou insupportable.
Pour l'Amour de la connaissance, se laisser prendre à cette galerie de portraits des frères Reinach, les savants universels, vestige de l'Antiquité que tant ils chérissent dans ce XIXe siècle moderne, et de leur entourage. Pour l'Amour de l'Antiquité, adhérer à l'idée folle mais pas si excentrique que ça, remise dans le contexte d'alors, de Théodore Reinach, qui voulait son bout de Grèce sur la Côte d'Azur, tout en gardant les commodités d'une villa moderne !
En ce qui me concerne, je me suis tellement laissée prendre par ce lieu , par ses mystères, par sa fierté qu'il parle tellement à toutes les fibres de mon être et que j'ai le bonheur ainsi que l'extrême avantage de travailler dessus pour mon master et donc de repartir une nouvelle fois dans ce monde grec antique, qui m'est si cher !
En somme, un roman de philhellène, d'amoureux du patrimoine et de sa splendeur passée à ne pas conseiller à celui qui voudrait de l'action pure et dure mais un très beau roman qui réussit le pari non seulement de faire de la Kérylos un personnage à part entière mais aussi et surtout de rendre vie à cette villa, même quand on ne s'y trouve pas, le tout dans son contexte d'époque, en outre.
A toutes fins utiles, les dernières pages joignent un plan pour se remettre la disposition de la villa en mémoire si on la connaît ou la découvrir sur papier pour les autres, ainsi qu'une captivante bibliographie qui peut servir tout aussi bien à titre indicatif des sources empruntées par ce romancier/historien de l'art, qui n'oublie d'être ni l'un ni l'autre, pour l'écriture de son roman voire de pistes de recherches, pour les curieux qui seraient désireux approfondir. Néanmoins, en se plongeant dans ses pages inspirées, un seul mot d'ordre , celui inscrit sur la mosaïque décorant le sol d'entrée de la villa : XAIPE ! ("Réjouis-toi!")