Cet ouvrage cultive le tragique et renferme un condensé de douleur difficilement surpassable, mais je ne sais pas s'il est misérabiliste. Bien que gorgé de sanglots/Malgré qu'il creuse longuement au point de toucher le fond, il présente une issue favorable et distille son émotion avec parcimonie, offrant un tout sans excès et, à mon sens, joliment maîtrisé. Comme l'a on ne peut plus justement exprimé Sentinelle (http://livresque-sentinelle.over-blog.com/article-wisconsin-de-mary-relindes-ellis-45433350.html), il ne présente « aucun déterminisme inéluctable mais la possibilité de se libérer de son passé, même si le chemin est aussi escarpé qu'éprouvant ».

Dans un premier temps, ce roman m'a un peu décontenancée. Alternant tour à tour la troisième du singulier et la première par laquelle s'expriment aléatoirement Bill, James, Claire, Rosemary, Ernie ou John, "Wisconsin" a semé en moi une certaine confusion avant que je trouve dans cette narration atypique un rythme, une respiration qui le rendent à la fois vivant et captivant.

Ce livre m'a absorbée. Il y a longtemps, je crois, que je n'avais plus éprouvé d'envie pareillement tenaillante de retourner à ma lecture quand les impératifs du quotidien m'y arrachaient.

On s'attache à Bill, ce petit garçon sensible qui recueille dans sa chambre tous les animaux souffrant, celui qu'on voit maintes fois combattre des êtres imaginaires, armé d'une épée en bois et vêtu d'une carapace de tortue qui fait office de bouclier. On s'attache à James, l'adolescent rebelle mais protecteur qui est amené à constater, à des milliers kilomètres de son foyer, combien les mots peuvent manquer pour dire je t'aime. On s'attache à Claire qui trouve en la terre et en la nature qui l'entoure une véritable alliée pour ne pas sombrer définitivement dans la folie. On s'attache à Ernie et Rosemary Morriseau, le couple d'Indiens dont l'altruisme et la pudeur sont sans limites. On s'accroche même aussi à Angel, leur chien, dont la vie abrupte a quelque chose de marquant...

Ce roman est dense, il brasse de nombreux sujets. Il dépeint des personnages tout en nuances et offre une histoire savamment construite qui suit son cours des années 1967 à 2000. Pour un premier roman, Mary Relindes Ellis a fait preuve d'une maîtrise exemplaire et j'espère sincèrement qu'elle en publiera d'autres.

"Wisconsin" a du chien. Plus j'y pense, plus j'ai l'impression que ce livre va me laisser un souvenir impérissable...
Reka
7
Écrit par

Créée

le 19 nov. 2011

Critique lue 296 fois

4 j'aime

Reka

Écrit par

Critique lue 296 fois

4

D'autres avis sur Wisconsin

Wisconsin
domguyane
9

résilience entre voisins

Un livre sur les liens complexes qui nous relient à la famille, aux amis, aux voisins, à la mémoire. Où l'on parle de guerres inconcevables, de blessures indicibles, de survie, de rédemption, de...

le 5 juin 2014

4 j'aime

Wisconsin
Reka
7

Critique de Wisconsin par Reka

Cet ouvrage cultive le tragique et renferme un condensé de douleur difficilement surpassable, mais je ne sais pas s'il est misérabiliste. Bien que gorgé de sanglots/Malgré qu'il creuse longuement au...

Par

le 19 nov. 2011

4 j'aime

Wisconsin
RaphaelleB
9

Critique de Wisconsin par RaphaelleB

Déja, ça faisait longtemps que je n'avais pas été happée pas une histoire au point de lire en marchant dans les couloirs des transports en commun. Ça veut dire beaucoup. Ensuite, le fin fond du...

le 31 juil. 2014

1 j'aime

Du même critique

La Délicatesse
Reka
2

Critique de La Délicatesse par Reka

Précepte premier : ne pas lire la quatrième de couverture(*) de ce fichu bouquin. (*) « François pensa : si elle commande un déca, je me lève et je m'en vais. C'est la boisson la moins conviviale...

Par

le 19 mars 2011

28 j'aime

3

Il faut qu'on parle de Kévin
Reka
9

Critique de Il faut qu'on parle de Kévin par Reka

Eva Khatchadourian entreprend d'écrire à son ex-mari, Franklin, pour réévoquer le cas de leur fils, Kevin. A seize ans, celui-ci a écopé de sept années de prison ferme en assassinant et blessant...

Par

le 7 janv. 2011

24 j'aime

2

Le Chœur des femmes
Reka
6

Critique de Le Chœur des femmes par Reka

Le tempérament contestataire et farouche de Jean Atwood m'a particulièrement amusée et a par conséquent contribué à une immersion rapide et facile au sein de l'ouvrage. Le roman de Martin Winckler...

Par

le 29 mai 2012

20 j'aime