Un peu au-dessus d'un bon SAS
Lloyd Hopkins se collète cette fois avec John Havilland, un psychanalyste brillantissime qui a monté sa propre petite secte de névrosés accrocs à la drogue. Il enquête sur la disparition d'un superflic en disgrâce, qui le mène sur la trace de Goff, l'homme de main d'Havilland. Lequel se débarrasse de son homme de main et utilise une call girl traumatisée par le suicide de son père comme appât. Le piège est à deux doigts de marcher, mais Hopkins a toujours ses super cojones. Mais il n'est pas suffisamment veinard pour garder la fille (enfin au moins elle ne meurt pas, c'est cool).
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Le style des premiers Ellroy est très brut de décoffrage et pas particulièrement raffiné. Les chapitres alternent entre l'enquête de Hopkins et les manigances d'Havilland. Il n'y a pas d'ellipses comme l'auteur a su les maîtriser dans son quatuor de Los Angeles. Si le style est réaliste, avec quelques envolées, l'intrigue me laisse un peu perplexe. D'abord Hopkins n'a pas tant de conflit que ça avec sa hiérarchie, ici. Il appelle Dutch Peltz, son supérieur et ami, et demande que quatre inspecteurs fassent une corvée ou l'assistent dans une arrestation et il les obtient quasiment d'un claquement de doigt. Même Gaffaney n'est pas une menace ici. Et il est même plutôt sage, ses débordements se bornant dans ce tome à plusieurs effractions et une fusillade en état de légitime défense dans une boîte de Beverly Hills.
Au final, c'est plutôt pépère, et même l'affrontement avec Havilland se passe toujours à distance, à fleurets mouchetés... J'espérais que le duel psychologique irait plus loin, qu'Havilland arriverait à mettre le doigt sur les névroses d'Hopkins, mais je ne reconnais quasiment pas le héros de "Lune sanglante" ici : il est surtout un bon flic terre à terre, et accro au boulot, mais qui ne le serait pas après une séparation douloureuse ?
Bien sûr, il y a les flashbacks cauchemardesques de Doc Havilland, qui a perdu une partie de son passé et le recherche à travers les drogues et l'exploration de ses fantasmes, mais j'ai trouvé cela assez artificiel ici. Ah, et ce n'est pas un roman très pro-homos.
Probablement un des Ellroy qui m'a semblé le plus "formulaïque", comme disent les anglo-saxons : j'applique la recette. C'est beaucoup moins personnel qu'un "Brown's requiem".