Selon Edmund Burke, philosophe irlandais, le sublime et l'horreur sont intimement liés. Dans "A l'ouest rien de nouveau", les personnages oscillent sans cesse entre ces deux extrêmes, où la barbarie la plus inqualifiable peut déboucher sur un acte d'une humanité perçante.
L'homme y est à la fois un corps, un tas de chair qui saigne, se vide, se déchire, tremble, suinte, souffre et meurt ; mais il est aussi un frère, un camarade, un fils, un mari, et même un ennemi.
La réalité y est décrite à la fois comme la routine joyeuse des temps passés au campement, à jouer aux cartes, à cuisiner et à fumer ; mais aussi celle devenue étrangère de l'arrière, où la chambre d'enfant d'hier est aussi lointaine pour celui qui s'y recueille que le sont ceux qui l'habitent, tout comme ils habitent une autre réalité où la guerre a encore un sens ; celle enfin, devenue commune, de l'attente terrible de l'affrontement, avec l'ennemi, avec la folie des jeunes recrues, avec la mort, avec soi-même.
L'armée y fait des jeunes de tous bords des soldats, leurs donne un rôle à jouer, le premier de leur vie et pour certains le dernier ; elle fait d'étrangers des camarades, une famille du front, avec qui partager les rires, les menus butins, les bottes, mais aussi l'agonie, la peur et la mort. La guerre transforme les corps, annihile les esprits en les réduisant à l'exercice mécanique de survie : reconnaître le son des projectiles, couvrir les plaies de terre pour ne pas voir le sang, ne pas se laisser aller à penser à ce que l'on est en train de vivre pour continuer à vivre...
Par son récit, bref, d'un style simple qui n'empêche pas une poésie brute, Erick Maria Remarque crie l'humanité ancrée en chaque homme, l'humanité qui fait qu'un homme promet à celui qu'il vient de tuer qu'il prendra soin de sa famille, parce qu'au fond, il s'est lui-même blessé mortellement en portant ce coup fatal.
Ce roman est un hymne à la paix. En un mot, sublime.