En effet, "A l'Ouest rien de nouveau" est atemporel à cause de son contexte : le déroulement de batailles horribles et bestiales. Bien entendu, on ne peut rattacher tous les aspects horrifiques traités dans l'oeuvre à notre époque, car certains changements inhérents à l'évolution (médicale, militaire, ...) empêchent cela. Nous allons donc nous concentrer sur ce que le livre décrit plutôt que sur ce qu'il nous permet de réaliser.
La narration est plutôt ingénieuse : Baümer (le personnage principal) va être amené à visiter une palette de secteurs tels que les tranchées, les hôpitaux, les casernes, les cantines, son foyer, etc. En suivant son épopée, on se retrouve comme assis dans le wagon d'un terrible Train Fantôme qui nous mènera de la façon la plus méthodique qui soit vers des évènements atroces et d'une barbarie sans nom.
Chacun des aspects de cet Enfer humain (pléonasme) est traité avec soin et détails. Le roman met en scène des anecdotes davantage que des éléments historiques : la guerre vue par un soldat plus que par un professeur. Ainsi, il s'agit d'un déroulement d'évènements fictifs rendus crédibles par des détails nombreux et pertinents (façon de repérer le type d'un obus par le sifflement qu'il émet, par exemple).
Emportés dans cette vie de sang et de peur, le lecteur se surprend à se rattacher aux mêmes choses que le soldat : la camaraderie, les personnages sont attachants et on apprend rapidement à les connaître (chacun a sa personnalité propre) et à les perdre aussitôt ; citons aussi la terre si protectrice, si charnelle, si maternelle lorsqu'il s'agit de se réfugier contre elle ... On subit, l'espace d'une lecture, la déliquescence mentale décrite par Remarque.
Le roman est écrit à la première personne, l'auteur nous immerge dans la peau d'un personnage créé de toutes pièces par lui même. Un récit fictif mais on-ne-peut-plus immersif. Il faut savoir que l'oeuvre a une certaine valeur artistique et ne se contente pas de dénoncer ainsi que de mettre en garde. Le style d'écriture est dominé par un ton amer, pessimiste et désillusionné (cette désillusion étant un élément clé du livre) et permet à la lecture de se faire de façon très sensationnelle ; outre les passages descriptifs et narratifs simples, les envolées lyriques abondent et rendent la dite lecture ardente et mémorable.
Pour finir, "A l'Ouest rien de nouveau", est un roman pacifiste qui expose ses idées avec des émotions et des faits qui secouent. Remarque ne se contente pas de chiffres ou d'images, il met en scène une horreur incisive et prenante qui déchire les tripes du lecteur sans jamais cesser jusqu'à ce qu'il ait achevé sa lecture. L'auteur procède à un choc émotionnel pour que son public réalise l'atrocité des évènements dépeints, et les procédés en question sont d'une rare ingéniosité, ils sont mis en marche avec un talent absolu. Succès parfait pour Erich Maria Remarque dans sa quête de faire réfléchir, la qualité de son oeuvre ne faiblira que lorsque son lien avec l'actualité disparaîtra lui aussi : la guerre.