Et il y a ce mot : fou. On le prononce, on ne le prononce pas. F.O.U., on est d'accord, pas d'accord avec ces trois lettres. C'est le mot commun, c'est le mot qui vient, c'est le mot tendre ou effrayant, c'est le mot qui en contient mille autres, qui agrège tant de sentiments, –amour, compassion, crainte, soupçon. Un de ces mots encombrants, difficile à manier, qui nous tombe de la bouche.
Incursion dans un univers parallèle, chez ceux dont on ne sait si l’enfermement est une protection pour eux-même ou pour ceux qui les ont enfermés. Les fous, tels que les nomme Joy Sorman, selon un terme générique qui, comme bien d’autres étiquettes de différence, est devenu une insulte, est finalement un qualificatif dont le manque de précision est un indicateur précieux de ce dont on parle.L’autrice s’est imprégné de l’ambiance de ce lieu, qui perturbe le visiteur par la multiplicité des stimulations sensorielles qui signent l’a-normal. Si les traitements sont moins inhumains, et si les fous ont désormais des étiquettes, rien n’a changé dans le principe. Et surtout, cette population en marge dit beaucoup de nous, dit la ténuité des frontières entre le normal et le pathologique et dit l’intolérance. Cet essai en immersion est très intéressant et s’il ne s’agit pas d’un roman, il est peuplé d’une galerie de personnes qui pourraient chacun être le personnage d’une fiction.
On y perçoit bien aussi le délitement du système de santé, qui malgré les progrès de la connaissance est miné par le manque de moyens attribués.
Lu avec intérêt, parce que le sujet me passionne, mais aussi en raison de l’humanité qui se dégage de ces lignes, d’où est absent le jugement.