"L'usine c'est une tenue que je garde une semaine et qui se cradifie et pue de plus en plus au fil des jours".
Voilà l'identité de Ponthus : un intérimaire, que l'usine défini désormais, lui qui n'a pas su trouver de travail dans sa branche.
Dans ses Feuillets d'usine que sont A la ligne, Ponthus brise l'aliénation de l'usine et sa temporalité cadencée, morcelée, en faisant sien le rythme récurrent. Mais l'absence de ponctuation sonne également comme une absence de pause, une impossibilité à s'extirper, ne serait-ce qu'un instant, de cette usine qui aliène.
Le corps de Jospeh, aussi morcelé par la douleur que celui des bêtes qu'il porte, nous rappelle combien le corps, le prosaïque, nous renvoie à notre condition humaine.
L'acte d'écriture devient alors résistance, puisqu'il réaffirme la charge politique de l'écriture, en récupérant la force politique d'une grève dont Ponthus, intérimaire, est privé : "un intérimaire en grève ce qui est pourtant son droit et bye bye logique patronale évidente". L'écriture réaffirme l'existence d'une classe commune, d'une conscience de classe que la société moderne ne parvient pas à dissoudre, malgré un morcellement là aussi évident, en sous catégories (intérimaire).
A travers cette oeuvre au potentiel poétique grand, Ponthus donne à voir la précarisation des ouvriers, face à une société qui ne veut pas voir, qui ne cherche pas à voir, ou à savoir.
Les allitérations, assonances et diverses références disséminées dans l'oeuvre montre également que non, la vision manichéenne de l'ouvrier sans culture n'est pas d'actualité, nous invitant à (re)voir nos préjugés, à faire évoluer nos pensées.