Proust lake : le lac des signes
Outre l'aspect très élogieux de ce documentaire, je le recommande vivement à tout amateur de Proust qui souhaiterait, soit avant, soit après, aller au-delà de la Recherche.
http://www.youtube.com/watch?v=s60bNcVr4IE
De la Recherche, on peut ne rien retenir. Au final, il peut ne s'agir que d'une lecture désabusée, tant la beauté du style compensera le peu d'accroche aux faits relatés à certains moments. La poésie de cet ouvrage n'est pas à démontrer.
De la Recherche, on peut retenir les messages. Homosexualité, affaire Dreyfus, Première Guerre mondiale, tant de faits qui composent la vie de l'auteur qui sont tantôt raillés, tantôt pris très au sérieux. Car même si ce vaste livre n'est autre qu'un roman autobiographique, ou une autobiographie romanesque, il mélange toutes ces opinions extérieures au narrateur, car, et Proust l'a bien compris, on vit par le regard des autres, ce même regard qui fait les réputations, mais aussi les détruit.
De la Recherche, on peut retenir la vie. Une vie, celle du narrateur qui, tel Casanova, va retourner dans son passé, pour pouvoir revivre toute sa vie en sens inverse, prenant la pente descendant vers la mort. Il affectionne d'ailleurs, dans le Temps retrouvé, la métaphore de la graine, de laquelle sort la plante, et qui meurt, une fois que cette dernière peut vivre de manière indépendante.
Le Temps Perdu n'est pas tant celui passé à ne rien faire. Le Temps Perdu de Proust, c'est celui qui sommeille dans son esprit, et qui attend que les mécanismes du conscient se déclenchent pour que les souvenirs se réveillent. Ainsi l'inégalité des dalles, la madeleine dans la tasse de thé, le bruit de la cuillère sur l'assiette, dans la dernière partie de la Recherche.
On peut encore se pencher sur ce livre pendant longtemps. L'appareil critique sur cet ouvrage est, si ce n'est pas plus, sûrement aussi volumineux que la Recherche. 1,2 million de mots, mais que faire de cette statistique ? Proust a voulu démontrer, non pas avec un microscope, mais avec un télescope, comme il le dit, que rien n'est moins sûr que la vie. De sa jalousie pour Albertine, il ne tirera que des souffrances, ces souffrances même qui sont la matière de cet ouvrage, qui n'est qu'une plaie, du début à la fin. La douleur du baiser manqué, dans le premier tome, jusqu'à la constatation de la proximité de la mort, dans le Temps Retrouvé.
Il est très dur de mesurer l'impact de cette oeuvre sur ma conscience, pour un peu revenir à mon cas. J'essaie de faire une critique brève, concise, mais tant de choses ont besoin d'être dites, je souhaiterais montrer tant de petites merveilles, toutes ces petites perles qui forment la parure qu'est ce roman, à ceux qui ne le liront probablement jamais. Mais si on veut continuer les comparaisons, on peut affirmer qu'il n'y a pas de plus belle église que celle qui a été construite au fur et à mesure du temps, et qui, à force d’embellissement, croît et devient une cathédrale.
Ce qui est drôle, non pas que dans le sens amusant, mais aussi bizzare, c'est la simplicité du livre. J'ai déjà fait lire des extraits à d'autres personnes, qui ont tout autant apprécié que moi. En réalité, il n'y a rien de plus simple à lire que la Recherche, si toutefois, on est prêt à s'y mettre. Malgré quelques passages de réflexion, il s'agit d'un roman dans l'âme, Proust n'a pas souhaité moins que faire une histoire qui plaise, qui soit drôle à certains moment, un peu plus grave, à d'autres. La Recherche est vie. Et si la Recherche est incompréhensible, c'est peut-être parce que vous vous y prenez mal, parce que vous n'utilisez pas la bonne lentille. Enfin, cela, Proust le dit surtout pour qu'on ne dise pas du mal de son oeuvre, car il n'y a rien de plus simple pour dénigrer les critiques négatives que de leur dire : Vous n'avez rien compris, passez votre chemin.